Edito pour le mois de février 2006
« Que tous soient un » : illusion ou idéal ?
Chers
lecteurs,
Du
18 au 25 janvier a eu lieu la « Semaine de prière pour l’unité des
chrétiens » qui nous invitait à penser tout particulièrement aux chrétiens
protestants, orthodoxes et anglicans. Les progrès dans le rapprochement entre
les églises chrétiennes sont indéniables. Jadis, il fallait changer de trottoir
quand on passait devant un temple protestant. De nos jours, des célébrations
communautaires réunissent les « frères chrétiens séparés ». Le voeu
d'unité du Christ, trouvera-t-il un jour son accomplissement?
Le mot « œcuménisme » veut dire : « tendance à l'union de
toutes les églises chrétiennes en une seule ». La définition du petit
Larousse laisse rêveur. Serait-il possible d'effacer les nombreux schismes,
conflits et déchirures de 2000 ans d'histoire chrétienne? Le 20e siècle a
certes été celui des grandes réconciliations et des rapprochements entre
catholiques, protestants et orthodoxes, mais le chemin vers l'union est encore
long et pavé d'obstacles à première vue insurmontables. Certains contemporains
invoquent parfois l'unité un peu illusoire des chrétiens du premier millénaire.
Là au moins, on s’entendait encore... Mais un regard quelque peu lucide sur
l'histoire montre avec évidence que des croyances différentes et des schismes
ont ébranlé « l'Eglise une » dès les premiers siècles.
Au cours du premier millénaire, les rivalités politiques entre la
chrétienté latine (Europe de l’Ouest) et byzantine (Europe de l’Est) provoquent
la première grande séparation et la création de deux traditions, une « orthodoxe »
et une autre « catholique ». Entre le 11e et le 13e siècle,
ces oppositions s’expriment parfois de manière sanglante: les croisades
s’attaquent aux chrétiens d’Orient autant qu’aux musulmans.
En 1517, Rome aura encore d’autres soucis, au moment où le religieux
allemand Martin Luther publie ses 95 thèses. Révolté par la décadence de
nombreux représentants de l’Eglise romaine, il décide de revenir à la pureté de
l’Evangile, provoquant par là de véritables révolutions politiques et la
création d’une nouvelle Eglise, le protestantisme. Ajoutons encore la
création de l’Eglise anglicane par le roi anglais Henri VIII qui
« nationalise » le christianisme de son Royaume en rompant tous les
liens avec l’Eglise catholique, et nous avons les éléments essentiels du
paysage religieux tel que nous le connaissons encore actuellement.
Et pourtant, il est loin le temps où les curés interdisaient à leurs
ouailles d’adresser la parole aux protestants. Aujourd’hui, les catholiques ne
demandent plus simplement le retour des « hérétiques » au bercail de
la bonne foi, mais on essaie de rechercher une certaine communion entre frères
séparés. Quand Jésus dit dans l’évangile « Que tous soient un », il
n’exige pas que tous pensent, disent et fassent la même chose. L’unité peut se
vivre dans une certaine diversité des pratiques et des convictions. Même après
cette semaine de prière, prions donc régulièrement pour que tous les chrétiens
donnent le témoignage d’une communauté où l’amour et la recherche de l’harmonie
ont la première place.
Bien à vous,
Abbé Ralph Schmeder, membre
de l’équipe pastorale « des Douze ».