Pierre Wagemans,
ancien président de la fabrique d’église de Liers.
TABLE DES MATIERES :
Coup d'oeil vers l'ancien temps:
L'église Saint-Rémy et la paroisse de Liers aux temps anciens :
Promenade dans le Concile de Tongres:
La paroisse primitive de Liers:
L’empereur, l’évêque, les moines et les seigneurs :
Le Chapitre de Notre-Dame et St-Lambert :
Et maintenant que reste-t-il de tout cela ?
Les
notes sont accessibles à partir de leur n° en exposant.
L'en-tête de la note permet le retour dans le texte d'où
on était venu.
Notre titre: "HISTOIRE(S) DE LA PAROISSE SAINT-REMY DE LIERS" pourrait paraître un peu problématique.
A priori, la question se pose de savoir si le terme "paroisse" qui y figure est encore d'actualité.
En effet, dans l'acception commune, la paroisse désigne le territoire sur lequel s'exerce la juridiction spirituelle d'un curé. Or, depuis la promulgation le 14 mai 2005 avec effet au 1er juin, d'un décret épiscopal rendu dans le cadre de la restructuration du diocèse compte tenu, en ordre principal, des disponibilités actuelles et futures en nombre de prêtres, notre paroisse de LIERS a été versée au sein d'une nouvelle "unité pastorale", avec onze de ses consoeurs circonvoisines: LANTIN, JUPRELLE, FEXHE-SLINS, SLINS, MILMORT, WIHOGNE, PAIFVE, VILLERS-St-SIMEON, VOROUX-LIERS, ROCOURT (St-Joseph) et ROCOURT (St-Léon).
Cette nouvelle entité a été baptisée d'un nom très évocateur: "LES DOUZE", par allusion on ne peut plus opportune à la mission de ses composantes et qui consiste à faire connaître la Bonne Nouvelle, comme jadis, les douze Apôtres.
Les prêtres à qui elle a été confiée, à savoir, notamment, le clergé encore en place, ont vu leur compétence étendue à toutes et à chacune des douze anciennes paroisses qui sont devenues autant de "communautés locales".
Nous prions pour que cette remise en forme connaisse la réussite.
Mais, dans cette nouvelle perspective, peut-on encore parler de "paroisse" pour l'église de LIERS?
Nous penchons pour une réponse affirmative puisque le curé de LIERS est toujours bien là (rendons-en grâce à Dieu!). Si ses compétences se sont étendues, il se trouve, à cet égard, dans la situation de l'adage de "qui peut le plus, peut le moins"!
Par ailleurs, le terme "paroisse" est d'usage courant. Il ne prête pas à confusion et rien ne semble s'opposer à ce qu'il soit encore utilisé pour désigner chacune des "communautés locales" réunies dans la nouvelle entité "Les Douze".
L'histoire d'une paroisse se confond, généralement, avec celle de son église et, aussi, avec celle de la localité qu'elle dessert.
Or, de ce point de vue, la situation n'est pas plus simple.
Pourtant, de prime abord, tout semble limpide.
Depuis les fusions, au 1er janvier 1977, LIERS n'est plus qu'un modeste "écart" du grand HERSTAL qui, du point de vue religieux catholique, appartient au diocèse de LIEGE.
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Mais s'en tenir à cette manière de voir, c'est oublier qu'avant les fusions, l'ancienne commune de LIERS, sans cependant couvrir une superficie phénoménale, s'étendait largement au-delà des limites actuelles de HERSTAL.
Ces limites sont ici matérialisées, au nord, par la ligne de chemin de fer de LIEGE à ANVERS et, à l'ouest, par le raccordement (maintenant désaffecté) entre les gares de LIERS et d'ANS, itinéraire actuellement suivi par le RAVEL.
Au nord, avant les fusions, LIERS occupait, de part et d'autre de la rue provinciale, une zone allant, sur environ 1 km, jusqu'à la rue Basse des Chênes (ou Basse Dechêne?), soit presque jusqu'à l’ex-Gendarmerie nationale de FEXHE-SLINS ("Police fédérale").
Cette zone se développait, d'un côté, jusqu'au Fort de LIERS et, de l'autre, jusqu'au "Fond de Dame Magain (ou Maghin?)".
A l'ouest, par la chaussée Brunehault, vous restiez sur le territoire de LIERS, durant environ 600 mètres, presque jusqu'au "bois de VILLERS", ainsi que les anciens appelaient pompeusement les maigres fourrés venant après le passage à niveau qui donne accès au même "Fond de Dame Magain (ou Maghin?)".
De l'autre côté de la chaussée, LIERS occupait la campagne jusqu'à l'ancienne voie de TONGRES à LIEGE.
On ne vous en veut pas pour cet oubli, soyez rassurés...
Le plan que HERSTAL met gracieusement à la disposition de ses administrés indique "SLINS" à l'endroit de la carte où se trouvent les vieilles terres de LIERS.
Le bottin téléphonique de BELGACOM (édition PROMEDIA) omet subtilement de mentionner l'ancienne commune d'appartenance de ses abonnés liersois de JUPRELLE alors que cette mention figure systématiquement pour les clients des autres localités fusionnées dans cette entité (VILLERS-St-S., FEXHE-SLINS, SLINS, etc...).
A vrai dire, sur place, des plaques jaunes indiquent exactement les anciennes limites de LIERS sur JUPRELLE.
Mais, s'y attarde-t-on encore?
Quelles qu'aient été les raisons des techniciens qui ont procédé au dépeçage de l'antique village de LIERS, cette décision arbitraire ne tenait guère compte de la sensibilité des gens du cru et fut regrettable (c'est peu de le dire)...
Toutefois, comme la compétence territoriale, sur le plan spirituel, de la paroisse Saint-Rémy de LIERS est restée, quant à elle, ce qu'elle était avant le 1er janvier 1977, la question est sans grande importance pour le sujet qui nous occupe.
D'autres particularités, d'autres dualités apparaîtront dans ce qui va suivre.
Elles seront évoquées en temps et lieu. Mais ne vous attendez pas à des études exhaustives. Si la matière est vaste, les interrogations nombreuses, on manque de documents. Ceci restera un modeste recueil d'informations diverses glanées, çà et là, au hasard de lectures dans des publications plus ou moins spécialisées.
Quoi qu'il en soit, l'histoire de notre paroisse Saint-Remy de Liers n'est pas sans intérêt.
Un souhait: gardons bien notre « esprit de clocher »...Car, selon le proverbe chinois: "Le tout est plus grand que la somme de ses parties".
Cet appel à la cohésion vaut ce qu'il vaut et il n'entamera pas cet autre esprit dont les Liersois se sont toujours montrés généreux: celui de l'accueil aux autres.
Comme on l'a déjà vu, les habitants du village de LIERS relèvent administrativement des communes de HERSTAL, pour la plus grande part, et de JUPRELLE, dans une moindre mesure.
LIERS se situe à la croisée de deux voies de communication régionales majeures: la route provinciale de ROCOURT à GLONS, d'une part, et l'antique chaussée Brunehault de PAIFVE à HERSTAL, d'autre part.
La circulation y est assez soutenue.
L'accès facile aux autoroutes E313-A13 (Liège-Hasselt-Anvers), E40-A3 (Ostende-Bruxelles-Aachen) et aux échangeurs de VOTTEM et de LONCIN, ainsi que la proximité immédiate du Parc Industriel des Hauts-Sarts contribuent vraisemblablement à soutenir cette intensité.
LIERS est encore largement bien servi par les transports publics TEC et SNCB assurant des liaisons fréquentes, sinon rapides, avec des destinations proches ou même éloignées, telles, pour ces dernières: Anvers ou Bruxelles-Midi, au départ de la gare.
Dans les environs immédiats, on trouve les paroisses suivantes:
au nord: FEXHE-SLINS (Saint-Remacle);
à l'est: MILMORT (Saint-Hubert);
au sud-est: VOTTEM (Saint-Etienne);
au sud: ROCOURT (Saint-Léon et Saint-Joseph);
au sud-ouest: VOROUX-LIERS (Saint-Joseph);
à l'ouest: VILLERS-St-SIMEON (Saint-Lambert).
D'autre part, on a vu que, sauf VOTTEM (Saint-Etienne), toutes ces communautés locales sont englobées dans l'Unité pastorale des Douze récemment constituée.
Elles sont placées sous la houlette du Doyen d'Ans.
On précise encore que l'église de LIERS se trouve à 6,5 km du centre de HERSTAL, à 8 km de LIEGE et à 12 km de TONGRES (en principe, car, en réalité, le centre de Tongres est à plus de 13 km).
Le paysage, à LIERS, est plutôt plat.
Ainsi, en général, les pentes varient dans un ordre inférieur à un pour cent que ce soit d'est en ouest ou du nord au sud.
C'est donc à juste titre qu'on parle du "plateau de LIERS".
Comme son altitude, oscillant entre 155 m. (au N-O) et 183 m. (au S-E) au-dessus du niveau de la mer, est relativement élevée pour la région, et que, des quatre points cardinaux, rien, à part l'un ou l'autre petit rideau d'arbres, ne vient contrarier leur course, les vents s'en donnent à coeur joie et le site est particulièrement aéré.
Certains prétendent même qu'il bénéficie d'un bon apport d'iode en direct de la mer du Nord. Avis aux amateurs.
Du point de vue hydrographique, c'est l'indigence: pas la moindre petite rivière. Il faut, cependant, signaler l'existence d'un talweg assez important, par ailleurs qualifié "ruisseau", ou bien "Berwinne rigole", sur certaines cartes.
C'est par cette voie que s'écoulaient, jadis, les eaux de ruissellement, depuis au-delà de la Chapelle N.D. des Pauvres, pour longer la "Cité des Prés", traverser la rue E. Lerousseau ("A la Digue") puis la rue provinciale, gagner la rue L. Thonon, passer, sous la chaussée Brunehault, la ligne de chemin de fer d'Ans, et, enfin, par une longue courbe rentrante dans les champs et sous la ligne de chemin de fer de Tongres, rejoindre le Fond Maghin et aller se perdre dans le Geer, par les campagnes de Fexhe, Slins et Glons.
En son temps, ce "ruisseau" alimentait tout un chapelet d'étangs où s'abreuvait le bétail des fermes, alors nombreuses, du village.
L'hiver, ils servaient de patinoires et, l'été, de piscines, aux hardis gamins imperméables... aux remontrances de leurs parents ou du garde-champêtre.
Plutôt sévère, celui-ci se montrait parfois facétieux quand il ramassait chaussures et sous-vêtements qu'il rapportait honnêtement aux domiciles des jeunes contrevenants obligés, quant à eux, de rentrer chez eux en tenue plus que sommaire...
Mais s'il n'y a plus d'étangs, la "Berwinne rigole" est toujours aussi utile: c'est, en effet, par son trajet, que s'évacuent, maintenant, les égouts de Liers.
Enfin, pour ceux que cela intéresse, le clocher de l'église de Liers, comme tous ses congénères, constitue un repère géodésique dans l'optique du nivellement général de la Belgique.
"Une construction élégante et originale et pittoresque par son profil et le coloris de ses matériaux."
C'est ainsi que Ch. J. Comhaire, archiviste et fondateur du "Vieux Liège" présente notre église dans sa brochure intitulée "SOIXANTE ET QUELQUES PROMENADES AUTOUR DE LIEGE", éditée par le TOURING CLUB DE BELGIQUE, vers 1920.
Nous ne le contredirons pas: nous avons, en effet, une belle église.
Bien que, depuis 1920, elle n'ait pas été épargnée par les effets défavorables de contingences extérieures liées à la guerre de 40-45 et à la pollution générale. Mais elle est bien entretenue et elle vieillit aussi bien.
Vous la trouverez, au centre même du vieux LIERS, sur une terrasse naturelle mais qu'on dirait faite exprès, au carrefour de la rue Provinciale et de la chaussée Brunehault.
C'est une grande bâtisse, de style gothique ou néo-gothique, en briques, moellons de grès et pierres de tuffeau.
Elle comporte trois nefs de six travées. Celles-ci sont éclairées, de chaque côté, par six grandes baies ogivales, ouvertes dans autant de pignons qui forment les façades latérales nord et sud des basses nefs. De part et d'autre des fenêtres, les murs sont consolidés par de solides contreforts.
Le porche d'entrée s'ouvre, à l'ouest, sous une tour monumentale surmontée d'une flèche à huit pans inégaux en ardoises.
Le choeur, à chevet plat, en moellons de grès, chaîné aux angles de pierres calcaires, se dégage, à l'est, percé de baies ogivales au travers de chacune de ses trois faces.
Toutes les toitures en bâtières sont en ardoises, comme le clocher. Celui-ci culmine à 40 m.
Si vous en faites le tour par le sud, vous pourrez voir, à la pointe du premier pignon, une pierre millésimée "Anno 1894" et portant un écusson avec un compas. Ce sont les emblèmes de l'architecte Edmond Jamar qui a mené à bien les travaux d'achèvement de notre église en son état actuel.
Mais 1894 n'est jamais que le dernier stade des multiples transformations et remaniements que notre église a connus dans son existence multiséculaire.
Elle remonte, en effet, aux temps très anciens des premiers pas du christianisme dans nos campagnes.[i]
Les découvertes archéologiques effectuées, dans la région, entre la fin du XIXe et la première moitié du XXe s. ont révélé, un peu partout des traces d'occupation humaine remontant à "l'âge de la pierre polie" et à la civilisation du "Peuple de la céramique rubannée", les Omaliens [ii]
(env. 5.500 av. J.C.).
En 1950, quelques vestiges de l'occupation omalienne ont encore été dégagés au Nord de Liers, près de Fexhe-Slins, au cours de fouilles menées par le Professeur HAMAL de l'Université de Liège et par le Docteur SIMON. Mais, c'est à Fexhe que se trouvaient les gisements les plus nombreux et intéressants.
Encore de nos jours, des silex taillés remontent à la surface dans des cultures au centre de Liers!
Il ne fait aucun doute que la région est habitée depuis des millénaires.
Pour le passé plus récent, il subsiste des témoins évidents.
Nous en citerons trois, entre autres, qui sont indéniablement liés entre eux: "la "chaussée Brunehault", "la Motte" et "l'église Saint-Rémy".
Ils méritent qu'on s'y attarde.
Ch. J. COMHAIRE (voir son guide: "Soixante et quelques promenades autour de Liège" déjà cité) l'identifie comme une ancienne voie romaine reliant TONGRES à TREVES.
Trèves (Augusta Trevorum), capitale de la « Belgique première » et qui allait devenir, de plus, capitale de l'Empire romain occidental, dans la 2e moitié du 3e siècle.
Résidence de Ste Hélène, mère de l'empereur Constantin le Grand, Trèves a été le foyer d'où partirent les premiers missionnaires chrétiens évangélisateurs de nos contrées, en suivant les légions romaines qui parcouraient les routes réservées à leur usage, ces fameuses chaussées que l'on choisit de baptiser, plus tard, du nom de Brunehault.
Mais, ce choix fait l'objet d'une controverse.
On les auraient appellées "chaussées Brunehault" en souvenir de cette reine franque à qui reviendrait le mérite d'avoir fait réparer ou reconstruire ces grandes voies souvent rectilignes qui sillonnent nos contrées sous cette appellation et le long desquelles se rencontrent tant de vestiges francs, romains et préromains.
Ce nom s'écrit aussi: Brunehaut, sans "l".
Brunehault (ou encore "Brunehilde") était fille du roi des Wisigoths d'Espagne. Elle devint reine d'AUSTRASIE, après avoir épousé le roi Sigebert, à Metz, en 566.
On la connaît aussi pour ses sanglants démêlés avec Frédégonde, la reine de NEUSTRIE.
A vrai dire, Frédégonde n'était montée sur le trône qu'à la faveur du meurtre commis à son instigation sur la personne de la précédente épouse du roi Chilpéric I, prénommée Galswinthe.
Celle-ci était la soeur de Brunehault.
Frédégonde, qui ne lésinait pas sur les moyens, fit, de plus, assassiner Sigebert, mari de Brunehault, et puis, pour faire bonne mesure, son propre mari Chilpéric I, frère de Sigebert, ce dernier crime, afin de régner seule et d'assurer l'avenir de son fils: Clothaire II.
On peut comprendre les sentiments de Brunehault.
Le reconditionnement des chaussées romaines à l'intervention de celle-ci, en nos contrées qui relevaient de son royaume, n'est pas vraiment niable. Le problème est ailleurs.
Une colonne commémorative couronnée d'une statue de notre reine se dresse sur la grand-place de Bavay (petite ville française, à 10 km de la frontière hennuyère belge). On peut y lire l'inscription suivante: "Ce monument a été réédifié en 1872, au point central où aboutissaient les Sept Chaussées Romaines dites de Brunehault. Ces voies furent construites par Marcus Agrippa, lieutenant de César Auguste, vers l'an 25 avant J.C. et restaurées par la reine Brunehault, morte en l'an 613."
Dans ses récits "Excursions sur les bords du Rhin", Alexandre Dumas signale, aux environs de Francfort, le Grand Feldberg où, selon la tradition, la reine Brunehault s'était pieusement retirée dans un ermitage creusé à même le rocher.
Il n'empêche qu'elle périt de manière particulièrement cruelle, trahie par ses leudes et rattrapée par son ennemi héréditaire Clothaire II, le fils de Frédégonde. Il la fit attacher par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d'un cheval indompté et son corps fut mis en lambeaux. Elle avait 80 ans. Frédégonde était morte depuis 16 ans.
La route militaire "Tongres-Trèves" dénommée "chaussée Brunehault" qui nous intéresse ne fait pas directement partie des sept chaussées citées par la colonne commémorative de Bavay. Elle se rattache, néanmoins, à la plus importante d'entre elles, pour la Gaule Belgique, et, en quelque sorte, son épine dorsale, allant de Bavay à Cologne par Tongres et Maastricht.
Bavay, la capitale des Nerviens, était déjà longtemps avant la conquète romaine, un noeud routier de la Gaule Belgique, en liaison directe avec les villes principales des Eburons (Atuatuca, berceau de Tongres), des Trévires (Trèves) et des Rèmes (Reims), etc...
Elle tirerait son nom de Bavo,son premier roi et fondateur, de nombreux siècles avant J.C.
La fondation de Tongres remonterait à la même époque et serait l'oeuvre d'un parent de Bavo.
Ainsi nous l'apprennent les chroniqueurs médiévaux Lucius de Tongres et Jacques de Guyse.
Si l'itinéraire de Bavay-Tongres (la voie de Saturne [iii]), avait bien été fixé, à l'origine, par Bavo, ce fut l'un de ses successeurs qui en fit une route digne de ce nom, suffisamment large et pavée (à la belge [iv], cela va de soi).
Il s'appelait Bruneholde. La controverse vient de là. La ressemblance entre ce nom et celui de notre reine d'Austrasie aurait eu pour conséquence de lui faire attribuer, à tort, le patronage des routes partant de Bavay.
Il est vrai qu'un certain nombre de celles-ci cheminent en Neustrie où régnait la sanguinaire Frédégonde à qui Brunehault ne faisait généralement pas de cadeau pour les raisons que l'on connaît (voir plus haut).
Quoi qu'il en soit, le marasme général dans lequel nos contrées étaient plongées depuis les invasions franques et autres (4e et 5e siècles) qui avaient mis un terme à la présence romaine en Gaule Belgique était tel que le réseau routier s'était totalement dégradé. Il n'avait plus été entretenu durant au moins deux siècles. La circulation des personnes et des biens et toute la vie économique, auparavant très développée, étaient devenues impossibles. Un effort s'imposait.
Mais revenons à notre chaussée Brunehault, liaison militaire entre deux capitales belgo-romaines: Tongres et Trèves.
Elle sort de Tongres par la porte sud, traverse le Geer, empruntant la grande chaussée actuelle de Tongres à Liège, passe à l'est de Hamal (Russon) et Diets-Heur (Heure-le-Tiexhe [v], deux villas romaines). Après Vreren, elle entre dans la Province de Liège, appuye légèrement à gauche, à hauteur de l'ancien dépôt de vicinal, dans un plus ou moins récent lotissement de Wihogne (céramique omalienne à "La Béguine", matériaux d'édifices gallo-romains et poteries sigilées à proximité), poursuit tout droit son chemin par Paifve (matériaux de constructions, céramiques romaines au "Beda"), Juprelle (fragment de colonne gallo-romaine), Villers-St-Siméon (tombes gallo-romaines, vestiges omaliens).
A Liers (ferme Saint-Martin, site omalien), on lui a donné plusieurs appellations au cours des siècles (Cachie de Liers en 1372, Brunekart en 1443, Chaulcie en 1559, Chaucy Brunho en 1666, chaussée Brumho en 1737). Une "Large Pierre" est signalée en 1739, sans en indiquer la situation.
Dans un plan Popp de 1847, la chaussée apparaît comme ayant été déviée par la rue des Prairies (anc. rue de l'Abbaye) pour gagner, en longeant la ferme par la gauche, la rue Hardisse Voie alors qualifiée "Chaussée" au lieu-dit "Petit Pavé" [vi]. On rejoignait l'itinéraire normal en suivant soit la rue des Ragayets, soit ce qui était la route de Rocourt à Fexhe-Slins. Celle-ci faisait alors le détour par le carrefour actuel de l'église et la rue E. Lerousseau (anc. "rue du Vieux Pavé"). C'était avant le percement de la rue provinciale réalisé en 1855 [vii].
Après avoir dépassé la rue E. Lerousseau, la route reprenait son appellation de chaussée Brunehault et poursuivait ainsi vers Vottem.
En 1805, des archives (Fonds français, liasses 1793 et 1803) indiquent que la chaussée Brunehault doit être réparée sur plus de la moitié de son parcours à Liers; qu'elle est totalement impraticable au centre de la commune et ne permet aucun passage.
Le mauvais état des voiries à cette époque est tout à fait compréhensible après les déplorables événements qui avaient affecté toute la région.
Au XVIIIe siècle, la Principauté de Liège, Etat indépendant et neutre, a dû livrer passage au charroi destructeur de ses belliqueux voisins qui ne manquaient pas de profiter de la bonne volonté des naïfs principautaires pour assouvir, sur place, leur soif d'en découdre.
Liers n'y a pas échappé. D'abord, il y eut cette fumeuse bataille de Rocoux du 10 octobre 1746, avec ses énormes mouvements de troupes certainement préjudiciables aux voies de communication. Ensuite, ce fut la révolution de 1789, avec, en outre, les réquisitions des Prussiens, venus prêter main-forte aux Autrichiens et tenter, en vain, de mater les révolutionnaires belges. Et puis, lorsque les Prussiens furent vaincus par les volontaires belges, il fallut faire face aux déplacements des troupes d'occupation françaises aussi ruineuses en exigences diverses pour le pays de Liège pourtant acquis à leur cause.
On peut comprendre le découragement des habitants devant l'inutilité de leurs efforts de bien entretenir leurs rues ainsi qu'ils en avaient déjà l'obligation du temps de la féodalité cependant révolue. Ce fut donc à leurs frais que furent réparées, non seulement la chaussée Brunehault, mais aussi d'autres voiries: la "route des prés" (Liège-Fexhe), la "route des Morts" (Liers-Milmort) et la "Hardisse Voie".
Mais d'où viendrait cette curieuse déviation qui ne semble pas faciliter la vie des gens?
D'autant que les chaussées romaines, d'habitude, ne s'embarassent pas des accidents de terrains et privilégient la ligne droite quelles que soient les difficultés de réalisation.
Nous sommes ici au "centre historique" de Liers avec, d'un côté, l'église St-Rémy, campée sur sa terrasse naturelle, et, de l'autre côté, la Motte, solide fondement de la vieille forteresse féodale.
Bien droites et bien conditionnées, les voies romaines obéissaient à des règles strictes pour servir, a priori, aux liaisons nécessaires entre des zones critiques (frontières, garnisons et autres centres vitaux militaires ou économiques). Elles étaient divisées en tronçons gérés, chacun, par un préfet. Elles étaient équipées de bornes ou colonnes milliaires ou leugaires portant des renseignements utiles aux voyageurs (destinations et distances en milles ou en lieues).
Un morceau de l'une de ces colonnes a été retrouvé à Tongres. A l'origine, elle devait se dresser sur le site actuel de la basilique Notre-Dame. Elle comportait huit faces. Sur ce qu'il en reste, on peut lire, pour chacune des routes concernées, le nom des localités desservies avec leurs distances en lieues.
Tous les dix milles, soit le chemin à parcourir, en une heure, par les courriers de l'empire romain, ceux-ci trouvaient un relais (mutatio) où ils changeaient de monture.
Au bout de trente milles, et donc, en principe, après trois heures de course, le voyageur parvenait à une "mansio", sorte de "station-service" où il pouvait requérir l'aide de forgerons ou charrons et autres artisans ou encore se restaurer, se reposer dans l'une ou l'autre auberge ou taverne.
Un mille romain correspond à 1.479 m. Dix milles représentent ainsi pratiquement 15 km.
A 15 km de la Basilique N.D. de Tongres, par notre chaussée Brunehault, on se trouve à l'entrée de Vottem.
Si l'un ou l'autre édifice existaient, à cette époque, sur le trajet de l'antique chaussée romaine, à Liers, il ne semble pas qu'il s'agissait d'un relais et que les rapides messagers impériaux s'en seraient souciés. En appliquant les règles connues, le premier relais après Tongres se situerait au-delà de Liers.
Les Liersois de l'époque ont dû voir passer les rapides [viii] chevaucheurs romains mais ce fut, sans doute, pour leur céder, prudemment, le passage.
A moins que le vieux Liers de ce temps-là ne constituait déjà un site stratégique auquel cas une déviation aurait pu répondre à l'une ou l'autre mesure de blocage en vue de contrarier la circulation en des temps troublés (invasions, etc...).
Plus loin, à "la Chapelle", on rencontre, au centre du carrefour, une petite construction en moellons sommée d'une espèce de clocheton à trois niches en pierre.
Cette "Chapelle" qui a donné son nom au quartier est déjà mentionnée, en 1920, par Ch. J. Comhaire (Soixante et quelques promenades autour de Liège).
Il y décèle une réminiscence de coutume romaine.
A noter qu'en 1920, la "Chapelle" était constituée d'un massif circulaire, en briques, érigé sur un petit tertre. Elle a été entièrement reconstruite récemment après avoir été endommagée accidentellement.
A quelle coutume romaine Ch.J. Comhaire fait-il allusion?
Les Romains, peuple très religieux, s'étaient constitué une collection de divinités utilitaires à invoquer selon les besoins. Les statues de ces dieux revêtaient parfois des formes étranges. Parmi celles-ci figurait la "triple Hécate", ainsi qualifiée parce qu'on la représentait avec 3 têtes ou 3 corps. Elle était particulièrement adorée dans les carrefours. Elle régnait aussi sur les Enfers et n'était pas spécialement bienfaisante .Il valait mieux se concilier ses bonnes grâces pour échapper aux périls des voyages.
Dans un même ordre d'idée, on sait que le dernier rite de la fondation d'une ville par les Romains consistait à placer celle-ci sous la protection des "dieux d'En Haut" et tout particulièrement d'une "triade" composée de Jupiter, Junon et Minerve. Ces trois divinités recevaient un temple commun, à trois chapelles, qui constituait le "Capitole" de la ville.
Le sanctuaire devait impérieusement être situé à l'endroit le plus élevé de la cité pour permettre à ses hôtes tutélaires d'en embrasser du regard la plus grande surface possible. Car, selon les croyances de l'époque, la protection des dieux s'étendait seulement au terrain qu'ils pouvaient voir... La "triade" de notre modeste chapelle se compose, quant à elle, de Saint Gérard, de Saint-Antoine et de la Sainte-Famille.
Nous ne sommes évidemment pas au Capitole, mais le carrefour figure, par contre, parmi les plus anciens de la région.
Y convergent, en effet, de très vieilles routes: avec la chaussée Brunehault, la voie de Liège (actuellement rue du Cheval Blanc, d'où l'on pouvait, naguère, gagner, à pied, par les "basses", la grande ville proche, en une petite heure), la Visé-voie (actuellement le Vinâve) et le chemin de Milmort (actuellement rue des Cyclistes Frontières).
Passé le carrefour, vers Vottem, tout de suite après la ruelle que l'on appelait jadis "li vôye dèl gade" (actuellement Chèvrevoie), le plan cadastral qui recense officiellement les lieux-dits indique expressément que cet endroit porte le nom de "Chaussée Brunhaut". Encore une autre orthographe, mais qui n'authentifie pas moins la localisation de notre vieille route.
Authentification "in extremis"!...
Un peu plus loin, l'avènement de l'autoroute E 313-A13 a tout bouleversé.
En effet, après le viaduc de celle-ci, c'en est fini, apparemment, de la chaussée Brunehault à Liers. Elle rencontre l'avenue du Parc Industriel et vient buter malencontreusement contre un haut talus après lequel sa trace va se perdre dans le dit Parc Industriel (à vrai dire, encore voué provisoirement à l'agriculture, à cet endroit).
Mais la vieille chaussée reprend vie sur l'ancien territoire de Vottem qui, comme Liers, a fusionné avec Herstal.
Là, elle poursuit sa course droit devant, traverse de vénérables lieux-dits: Pireux, Tillet, Bouh'tay. Elle y portait les noms de "Chachie", en 1358 et de "chaulue Brunho", en 1557. Des matériaux de construction romains ont été découverts à proximité.
Quand elle arrive à Herstal même, elle est confrontée au site du Château de Bernalmont (le hameau du Mont Bernard ou Bernwald, déjà connu au 13e siècle).
A cette limite de Herstal avec Liège, son itinéraire paraît à nouveau contrarié. De plus, elle perd son nom. D'après les cartes, on pourrait croire qu'elle continue, en ligne droite, sous l'appellation de Lavaniste Voie et deviendrait alors liégeoise. Mais, en fait, elle reste bien à Herstal et, après le plateau de Foxhalle, on la repère dans l'assise de la rue de la Station et en Marexhe.
Là tout près, en 1900, "Al Tombe", un tumulus du 2e siècle, arasé depuis le moyen-âge, a pu être fouillé. On y a découvert, parmi un riche mobilier funéraire, un court glaive d'apparat à poignée et pommeau d'ivoire, avec deux attaches de suspension ayant appartenu au défunt, probablement tribun militaire ou centurion. S'y trouvaient également, entre autres objets d'agrément, des pions et dés en verre avec lesquels jouaient les militaires de l'époque pour meubler les longues soirées d'hiver.
Qui était ce gradé? Un vétéran méritant reconverti en exploitant agricole et dont la villa avait été retrouvée, à quelque distance de sa sépulture, dans le quartier de la rue Hoyoux, en 1898? Ou bien un officier en garnison sur place?
Car, un peu plus loin, l'antique chaussée vers Trèves va devoir traverser la Meuse et il est invraisemblable que l'occupant romain super-organisé des premiers temps ait laissé cet endroit névralgique (gués ou ponts de Monsin) sans, au moins, un sérieux poste de garde.
Il n'y a qu'une vingtaine de kilomètres d'ici à Tongres mais nécessité fait loi.
Par ces gués ou ponts, la route arrive à Jupille. Vieille cité qui dispute à Herstal l'honneur d'avoir vu naître Charlemagne, elle recèle aussi d'antiques vestiges néolithiques, celtes, romains. On y a découvert, en 1892, un vase en terre cuite de très grande dimension portant encore six des sept figures planétaires adulées par les Gaulois et représentant les jours de la semaine.
La vieille chaussée poursuit son chemin par La Clef (Fléron-Micheroux), La Rafhay, Ensival (gué de la Vesdre), Polleur, Malmédy, Saint-Vith pour aboutir à son point de destination finale: Trèves.
Tel est l'itinéraire proposé par Ch. J. Comhaire, archéologue liégeois éminent à qui il est maintes fois fait référence ici.
Certains chercheurs passionnés par cette question auraient opté pour d'autres solutions (voir revue "Province de Liège" n° 130/nov. 1973, pp 5 à 11: "Chaussées Brunehault et monuments mégalithiques dans les provinces de "Liège et du Luxembourg" par W.Ch. Brou et, aussi: "Routes romaines et vertes chaussées en Gaule Belgique" par Willy et Marcel Brou, 1980)
Pour eux, à partir de Jupille, la chaussée prendrait la direction de Neuville (un hameau limitrophe de Beyne-Heusay et Romsée), Vaux-s/Chèvremont, Deigné, Sougné-Remouchamps, Lorcé, La Gleize, Trois-Ponts, Grand-Halleux, Vielsalm, Salmchâteau, Bovigny et Beho (source de l'Ourthe orientale).
De Jupille à Beho, le vieux chemin traverse une région fournie en vestiges préromains, voire préceltiques et en ouvrages défensifs apparemment destinés à assurer sa protection (ex.: oppidum[ix] de Chèvremont, site de la roche menhir à Deigné, "chession" ou forteresse de Lorcé, oppidum de Salmchâteau,...).
A Beho, on rejoint la non moins antique chaussée Brunehault de Reims à Cologne. Aux yeux de MM. Brou, Beho et ses environs (Deyffelt et Ourthe, tombelles de l'âge de la Tène) rempliraient toutes les conditions pour y justifier la présence d'un lieu de culte celtique ou plus ancien expliquant la conjonction des deux itinéraires gaulois intéressant, à la fois, les Trévires, les Eburons, les Rèmes.
Pour les mêmes chercheurs, la destination finale de Trèves n'en serait pas oubliée pour autant. A partir de la Gleize, la chaussée venant de Tongres aurait pu rejoindre la fameuse "via Mansuerisca" [x], célèbre par son passage fagnard, et qui reliait Nimègue à Trèves.
Quand on considère les variantes multiples des voies de communication de ces temps-là, au travers de régions si peu civilisées, aux dires des historiens de jadis, on peut se demander à quoi faisaient référence ceux qui parlaient de "l'impénétrable forêt ardennaise"?
Cela nous éloigne apparemment de Liers.
Si nous nous sommes tellement attardés sur cette vieille route Brunehault, c'est par respect pour son antiquité.
Comme celle-ci remonterait à la période celtique [xi] ou même plus avant dans le temps, il n'est pas douteux que nos régions font partie de celles où la présence humaine s'est manifestée depuis des temps immémoriaux et de manière constante. On ne trace pas des routes dans le désert sans en marquer les étapes. C'est sans doute le cas pour le village de Liers et ses voisins.
Les grands chemins ont été les vecteurs de tout ce qui a façonné les régions et les gens, en bien et en mal, selon ce que leur ont apporté ceux qui les parcouraient, amis ou ennemis.
La chaussée Brunehault en fait partie. Est-ce un hasard qu'elle se présente maintenant, en quelque sorte, comme la dorsale de la nouvelle entité pastorale des "Douze"?
Bibliographie:
Outre les ouvrages évoqués dans le texte, on peut citer:
M.E. Mariën: "Par la chaussée Brunehaut de Bavai à Cologne" (A travers la Belgique ancienne -Musées Royaux d'Art et d'Histoire).
Paul de Saint-Hilaire: "La Belgique mystérieuse - La Belgique des Mégalithes" - Rossel Edition 1973.
M. Michaux et R. Loonbeek: "L'Antiquité - Rome" (réf. à: "Les villes romaines", pp 18-20, collection "Que "sais-je?" - Paris P.U.F.).
Il faut vraiment être distrait pour ne pas voir ce fort monticule de terre d'une demi-douzaine de mètres de haut et planté d'arbres, à droite de la rue provinciale en venant de Rocourt et à quelques dizaines de mètres après le carrefour avec la chaussée Brunehault.
Comme l'église St-Rémy, dont il est, en quelque sorte, le pendant, c'est un authentique monument historique de la localité.
Il s'agit même d'un véritable document archéologique: en fait, une "motte" des premiers temps médiévaux.
Dans les plats pays, tels que la Hesbaye ou la Campine, à défaut de collines ou autres rochers escarpés, c'est sur des monticules semblables faits de terres rapportées de main d'homme que furent bâtis les premiers donjons féodaux. Au départ, généralement construits en bois, ils étaient, par ailleurs, entourés de larges fossés suffisamment profonds et toujours pleins d'eau.
On les confond souvent avec les tumulus, vestiges curieux de la période belgo-romaine et servant de sépultures, notamment aux notables.
Mais, confusion ou pas, ou dualité coutumière à Liers, l'article 1er de l'arrêté royal de classement du 29 mai 1952, rendu sur proposition de la Commission Royale des Monuments, Sites et Fouilles, dispose que: « Est classé comme MONUMENT, en raison de sa valeur historique, conformément aux dispositions de la loi du 07.08.1931, le TUMULUS dénommé LA MOTTE, à Liers », etc...
Cette formulation repose, sans doute, sur l'opinion des commissaires qu'ils sont en présence d'une "Motte féodale" et, qu'ainsi, elle mérite déjà d'être conservée. Mais, précisent-ils, dans un rapport, "nous la croyons beaucoup plus ancienne, située tout contre la chaussée romaine qui de Tongres se dirigeait vers Trèves..., ce monticule est certainement un de ces tumulus que la domination romaine vit s'élever en si grand nombre en Hesbaye".
La Motte de Liers est particulièrement imposante, la plus grande de la région, aux dires de Ch. J. Comhaire.
Selon certaines études, elle aurait un volume de 6.000 m³.
La parcelle cadastrale qui la contient occupe, avec la place publique qui lui est contiguë, une surface de 2520 m², en forme vaguement trapézoïdale (base de ±50 m. le long de la rue provinciale).
Ceci peut donner une idée de l'importance des donjon, forteresse ou castel auxquels la "Motte de Liers" servait d'assise.
Selon certaines observations qui purent être effectuées vers 1960, les bâtiments s'étendaient sur quelques 28 m. de long (côté église) et 18 m. de large (côté rue provinciale).
On n'a aucune idée de ce à quoi ils ressemblaient.
Les douves qui entouraient la Motte, de toute part, étaient larges, profondes et pleines d'eau que les périodes de sécheresse ne parvenaient pas à épuiser. Pour certains, il s'agissait d'eau vive dont la provenance ne serait pas autrement déterminée.
Avant la 2e guerre mondiale, elles servaient de réserve aux fermiers-éleveurs de la localité qui venaient y puiser, au seau (les pompes motorisées étaient rares à l'époque), de quoi remplir leur tonneau, afin d'étancher la soif de leurs animaux.
Le trop-plein des douves s'évacuait au moyen d'un conduit qui traversait la rue provinciale pour se déverser dans un fossé et suivre la dite rue provinciale jusqu'au précieux talweg par où s'en vont depuis toujours les eaux excédentaires de Liers (voir ci-avant, sous le titre: "Un peu de géographie"). Quelle histoire quand un cheval aventureux s'y embourbait, attiré par l'aspect trompeur d'une onde fraîche!
Mais les douves n'existent plus. Le château-fort de Liers a été incendié et détruit par les soudards de Louis XV, vainqueurs à l'issue de la bataille de Rocoux du 10 octobre 1746. Les ruines se sont écroulées et ont, petit à petit, comblé le côté chaussée Brunehault.
Le reste a servi de décharge aux immondices ou autres matériaux provenant de démolitions et a finalement été nivelé par l'apport de terres arables.
Après que le dernier propriétaire privé de la Motte (la famille POLET de Fexhe-Slins) l'eut cédée à la commune de Herstal, le site du fossé longeant la rue provinciale a été aménagé en place publique joliment dénommée "place de l'Harmonie", en hommage mérité à cette vaillante et "Royale Harmonie l'Avenir de Liers" qui y donnait, naguère encore, chaque année, un concert apprécié lors de la fête locale du 15 août, lorsque le temps le permettait.
C'est peu dire que les Liersois sont attachés à leur Motte, même s'ils ne la traitent pas nécessairement comme devrait l'être ce monument caractéristique de leur village.
Dans les dernières années (1938/1939) précédant la 2e guerre mondiale, elle était l'objet de l'intérêt manifeste du corps enseignant local et, en particulier, de M. Paul Fréson, instituteur en chef de l'école communale des garçons.
Les bâtiments de cette école sont actuellement occupés par l'antenne communale de Juprelle à l'entrée de Voroux-lez-Liers.
Ce pédagogue émérite avait, en effet, entraîné, ses garçons de 5e et 6e primaires à éditer mensuellement une petit journal scolaire destiné non seulement à faire connaître aux parents les travaux effectués par leurs enfants dans le cadre de leurs activités mais également à introduire la pratique de l'imprimerie à l'école.
Au départ, un système de polycopie sur un support gélatineux était utilisé.
Il fut très vite abandonné au profit de tout un appareillage de composition à l'aide de caractères mobiles en plomb insérés dans des réglettes de compostage elles-mêmes assemblées dans des cadres correspondant aux pages à imprimer. L'encrage à l'encre grasse se faisait à l'aide d'un rouleau. Une petite presse où passaient les feuilles à imprimer complétait l'attirail.
Les croquis et dessins étaient gravés sur des morceaux de linoléum au moyen de petites gouges permettant des résultats étonnants. La solidité du cliché pour pouvoir résister à la pression était assurée en le collant sur un support en bois.
Qu'est-ce que tout cela vient faire avec notre sujet?
C'est tout simple: la couverture du petit journal représentait un dessin de la Motte vue de la rue provinciale avec, pas trop mal silhouettées, les belles frondaisons qui la couronnaient à cette époque et la clôture en fer un peu tordue le long du trottoir.
Elle s'intitulait: "NOUS, les joyeux gars de la Motte". Il est difficile de parler de celle-ci sans évoquer ceux-là!
Autres souvenirs laissés par la Motte: les concours de glissade, l'hiver, sur les flots gelés.
Alors, le quartier résonnait des doubles claquements secs des sabots au départ des glisseurs et glisseuses (de tous âges...) et des rires accueillant les chutes ou les exploits des concurrents.
A cette époque, entre la Motte et l'école communale actuelle, il faut se figurer que les terrains de part et d'autre de la rue provinciale étaient libres de toute habitation. D'un côté, on côtoyait un immense verger s'étendant jusqu'à la rue E. Lerousseau et planté d'arbres fruitiers à hautes tiges et, de l'autre, s'étalait une prairie encore plus grande allant jusqu'à la rue L. Thonon. Ces belles pâtures nourrissaient un bétail nombreux.
Dans ce verger, les jeunes Eclaireurs de la troupe scoute de Liers (Troupe Saint-Rémy, constituée en 1942 et immatriculée comme étant la LXXIXe Unité de la Fédération liégeoise des « Baden Powell Belgian Scouts » ou BPBS de Liège), organisaient les cérémonies des "promesses" [xii], avec la bénédiction de leur aumônier, le Curé de la Paroisse Henri SCHRYMECKER, alias "Condor enthousiaste", son "totem".
Là, plus ou moins à l'abri, derrière les épaisses ramures de la Motte, ils ne risquaient pas trop les foudres de l'occupant allemand qui avait interdit le port de l'uniforme scout.
Leurs activités dans les parages ne se limitaient pas à des cérémonies; l'endroit se prêtait idéalement à la traversée des douves sur des "ponts de singes" tendus entre les arbres des rives du fossé.
En ces temps de guerre, les marques de dévotion à la Ste Vierge étaient multiples et les "saluts" du mois de mai (le mois de Marie) particulièrement bien suivis. Les scouts y participaient activement en prêtant leur concours à l'animation des offices. Ainsi, le 27 mai 1943, devant l'autel de la Ste-Vierge décoré d'un assemblage impressionnant de feuillage printanier, s'effectua la consécration de la troupe Saint-Rémy à "Notre-Dame des Eclaireurs".
Dans la foulée, une cérémonie du même type, mais plus généraliste, eut lieu le 31, pour la clôture du mois, et dans la même profusion de verdure à l'église. La consécration à Notre-Dame des Eclaireurs concernait, cette fois, les "guides" (du scoutisme féminin), tous les enfants et les mamans de la paroisse.
Après cette cérémonie, l'assistance nombreuse vint, en procession, jusqu'à la Motte où une petite potale avait été accrochée, à l'aide d'une échelle, au tronc de l'un de ses beaux arbres. Le plus agile des scouts grimpa jusqu'à la potale et y déposa une statuette de Notre-Dame des Eclaireurs.
En 1944, quand vinrent les démoniaques robots, des habitant du quartier se ménagèrent un abri, tout près de cette potale, en creusant un tunnel assez long dans les flancs de la Motte, où ils se réfugieraient en cas de danger.
C'était en frappant à coups redoublés sur un bandage métallique de roue de chariot que le veilleur de service signalait au voisinage qu'il était temps de se mettre à l'abri.
Au cours du creusement du tunnel, l'un des terrassiers bénévoles ayant, de sa pioche, heurté un objet sonnant bizarrement, mit au jour un vieux coffre tout rouillé qu'il déterra, dans une certaine fébrilité et avec toutes les précautions que l'on imagine, étant seul à l'ouvrage ce jour-là.
Il pensait avoir levé un trésor enfoui par les seigneurs d'autrefois!
Hélas, quand il ouvrit le coffre, celui-ci était vide.
Et pour cause, il avait été enterré là, exprès, la veille, par un de ses camarades, fumiste à ses heures, pour faire "une blague". Parfaitement réussie, d'ailleurs, et qui fit les choux gras des environs.
L'humour, la bonne humeur ne perdaient pas leurs droits, même dans ces heures sombres.
Après la guerre, la potale resta encore longtemps en place. Notre-Dame des Eclaireurs porta même, un moment, le nom de Notre-Dame de la Motte. A la procession du 15 août, un "reposoir" était d'ailleurs dressé dans son voisinage.
La Motte de Liers n'est pas la seule de son espèce dans la région. Ch. J. Comhaire en repère une autre, beaucoup plus petite, à Villers-St-Siméon, à proximité de l'église et donc, de la chaussée Brunehault. A Paifve, d'après certains témoignages, les bâtiments remarquables de la ferme Henry seraient construits sur les ruines d'une ancienne motte féodale. Enfin, les "armes" de Slins blasonnent "d'Azur au St-Martin d'or passant sur une Motte de même".
Selon certains vieux Liersois, le sous-sol du village serait "truffé" de souterrains partant de la Motte.
Ainsi, on rapporte que les terrassements effectués lors de la construction du fort de Liers, en 1880, mirent au jour des morceaux de voûtes écroulées accréditant, en quelque sorte, une version ancienne suivant laquelle un tunnel venant de la Motte aboutissait à la route des "bounîs" [xiii].
En sept./oct. 1986, l'hebdomadaire local toutes boîtes "Le Héraut" témoignait de l'existence, confirmée vers 1880, d'un souterrain de 60 cm de large sur 180 cm de haut, reliant le château de Slins à ceux de Fexhe et de Villers-St-Siméon.
A ce sujet, le correspondant du "Héraut" fut informé par la Société belge de Recherche et d'Etude des Souterrains que, suivant la tradition locale, le souterrain de Fexhe-Slins ne serait qu'une portion d'un vaste réseau reliant, entre eux, les églises (ou châteaux) de Liers, Villers-St-Siméon, Fexhe et Slins, ainsi que quelques grosses fermes de la région de Couvenaille, sur plusieurs kilomètres.
On n'a pas connaissance de nouvelles découvertes à ce sujet. Alors, tradition locale ou légende ?
Il est vrai que les familles de la noblesse locale étaient fort liées entre elles (mariages, etc...) ...quand elles ne se faisaient pas la guerre... On ne leur connaissait pas ces façons de troglodytes. En ces temps-là, souvent troublés, c'était, sans doute, un bon moyen d'échapper à certains dangers ou de garantir la confidentialité dans l'échange des renseignements.
Sans vouloir minimiser le courage ni le mérite des terrassiers féodaux, peut-être ne devait-il pas être extrêmement difficile de réaliser semblable réseau dans l'épaisse et grasse terre hesbignonne ?
Encore actuellement, la Ville de Liège dispose, dans le sous-sol campagnard liersois, d'un système important de galeries, à grande profondeur, où se collectent les eaux de surface en vue de l'approvisionnement de son propre réseau de distribution. Toutes les précautions sont prises pour garantir la pureté du précieux liquide.
Quant à la Motte, une énigme reste à résoudre.
Que sont maintenant devenues la potale de Notre-Dame des Eclaireurs (ou Notre-Dame de la Motte) et la vénérable statuette qu'elle abritait?
Au Moyen-âge, dans le ressort du Concile de Tongres, les paroisses avaient coutume de se rendre, chaque année, en procession, à la Basilique Notre-Dame de Tongres, afin de permettre, au chef de chaque ménage, d'y faire l'offrande de l'obole banale qui revenait de droit à l'église la plus ancienne et la plus importante de la région.
Ces processions avaient lieu chaque jour de l'octave de la Pentecôte et faisaient l'objet d'une réglementation précise quant à leur date et leur composition.
A cet égard, une ordonnance de l'Official [xvi] de Liège du 31 mai 1401, prévoit que la procession du mardi de la Pentecôte sera constituée, entre autres, par l'église de Liers avec ses "filles", à savoir: "Rocourt, Millemorte et Votheme".
Les autres paroisses conviées à cette procession étaient Lens-sur-Geer (avec ses filiales Bergilers, Oreye et Grandville), Kemexhe (avec Thys) et Fihes, c'est-à-dire Fize-le-Marsal (avec Crisnée et Otrange).
Le cortège des Liersois, devait logiquement suivre l'itinéraire de l'antique chaussée Brunehault qui l'amenait, en droite ligne, à Tongres. Il s'étoffait, chemin faisant, et, en tout cas, à l'arrivée, de l'apport des autres paroisses dont il vient d'être question.
Les différentes processions de chaque village ou "ban" [xvii] étaient précédées de leurs croix (banales), bannières et reliques. Elles étaient conduites par leurs pasteurs, marguilliers, sonneurs et porteurs d'eau bénite, avec, le cas échéant, leur propre fanfare en tête.
A raison d'un délégué par ménage, on imagine, sans peine, le nombre élevé de participants et la longueur du cortège, en fin de parcours, là où l'attendait, pour l'accueillir, le clergé de la vieille église Notre-Dame de Tongres.
L'ordonnance de l'Official avait expressément fixé ce rendez-vous au Steyn huis, dans la rue de la Croix, d'où la procession devait être conduite à la basilique pour y accomplir l'offrande prescrite.
Ces manifestations réunissaient non seulement un grand concours de participants mais encore une foule de spectateurs, attirés par ce spectacle inévitablement haut en couleurs. Chaque paroisse rivalisait, sans doute, d'ingéniosité, voire de faste, pour faire valoir les vertus de ses reliques par la beauté des reliquaires, bannières, croix et autres ornements.
On peut en avoir une idée à l'occasion du déroulement des processions périodiques (notamment septennales) encore organisées, de nos jours, dans quelques villes flamandes ou wallonnes. Le peuple chrétien a toujours été friand de ces rassemblements de foule où la ferveur et le sentiment de faire partie d'une même communauté spirituelle prennent le pas sur le folklore.
Les "messes à vélo", dans notre "Unité pastorale des Douze", participent, peu ou prou et, sans doute, plus modestement, à ce mouvement somme toute naturel.
Aussi passionnante que puisse être l'histoire des "Antiques processions des Croix banales de Tongres" (mieux développée en pp 127 à 196 du Tome XXI du Bulletin de la Société Scientifique et Littéraire du Limbourg, en abrégé : BSSLL), il convient de nous rapprocher de notre sujet consacré plus spécialement à l'ancienneté de notre vieille paroisse de Liers.
Mais avant d'aborder spécifiquement ce sujet, peut-être serait-il intéressant de faire encore un retour en arrière, dans le temps et dans l'espace, pour fixer les idées et savoir d'où l'on vient.
Les origines de notre région sont inscrites dans ses voies de communication et, principalement, cette vieille chaussée romaine baptisée Brunehault dont, on l'a vu, Tongres constitue la tête de ligne.
Tongres ne s'est pas faite toute seule, mais, en tant que telle, remonte au début de l'empire romain.
Elle fut bâtie sur les lieux d'un camp militaire qui, c'est une possibilité, pourrait avoir succédé à celui des quartiers d'hiver installés quelques années auparavant, au temps de la conquête, par les lieutenants de J. César, Sabinus et Cotta, pour y abriter leurs troupes (une légion et 5 cohortes avec leurs auxiliaires habituels), en -54. Dans ses commentaires, César désigne cet endroit du nom d'Atuatuca, oppidum (place forte) de l'Etat des Eburons [xviii].
Ambiorix, roi des Eburons et héros de la résistance locale, participe à la révolte des peuples de la Gaule du Nord contre l'occupant. Il parvient, par ruse, à attirer les Romains dans une embuscade dont seuls quelques légionnaires réussissent à s'échapper.
Ce revers, peut-être le plus cuisant de toute la "Guerre des Gaules", combiné à d'autres faits de résistance imputables à Ambiorix, attise la fureur de César qui, à défaut de pouvoir mettre la main sur son adversaire, entreprend de procéder méthodiquement à l'anéantissement de toute la nation des Eburons et de ses biens, avec, faut-il le dire, la "collaboration" intéressée d'états voisins avides de butin [xix]. Après ce génocide, il ne devait pas rester grand monde au pays des Eburons.
Et, cependant, Atuatuca, bien située et pourvue de liaisons routières, est choisie par les Romains comme point d'appui pour la défense des frontières de l'empire et comme centre économique.
Mais, la région est dépeuplée. Alors, en -8, Tibère, futur empereur, venu sur place consolider la présence romaine, fait ramener d'au-delà du Rhin, manu militari, 40.000 personnes prélevées sur la Confédération des Tongres et les installe, bon gré mal gré, dans la Gueldre actuelle (Arnhem) et dans le pays des Eburons. Ces "personnes déplacées" vont constituer une réserve de peuplement avec les autochtones survivants. Ainsi, l'organisation et la défense des territoires conquis retrouvent assez de bras pour se poursuivre.
L'Atuatuca des Eburons devient l'Atuatuca des Tongres qui se mue bientôt en "Civitas Tungrorum", la "Cité des Tongres", d'où vient le nom de la plus ancienne ville de Belgique.
Dans la Rome antique, la "Civitas" (la "Cité"), ne se limite pas à la seule localité du nom mais couvre, en fait, tout le secteur sur lequel s'exerce le pouvoir dont elle est le siège. Ce territoire correspond, pour Tongres, à nos provinces d'Anvers, de Liège, de Namur, du Hainaut, du Brabant, du Limbourg et d'une partie du Luxembourg [xx].
Au début de l'Evangélisation, la "Bonne nouvelle" est d'abord prêchée dans les grands centres où seront, sans doute, aménagés les premiers sanctuaires chrétiens, parfois d'anciens temples païens reconvertis.
En fait, c'est seulement depuis le règne de Constantin (324-337) que les chrétiens purent construire leurs propres églises. Auparavant, ils célébraient l'eucharistie dans les maisons privées.
Tongres était incontestablement un grand centre.
Au IIIe siècle, il relevait de l'Evêché de Trèves puis, à partir du début du IVe siècle, de l'Evêché de Cologne dont le siège était occupé par St Materne.
C'est à ce prédicateur et missionnaire zélé que nos contrées sont redevables, pour une grande part, de la première diffusion du culte catholique et de la fondation d'églises nombreuses [xxi]. Tongres en a fait son saint patron.
L'Eglise naissante adopte les structures administratives de Rome. Et, lorsque la religion chrétienne est promue au rang de religion d'Etat, en ± 380, 393 (sous l'empereur Théodose), l'Evêque devient, en quelque sorte, dans son diocèse, un fonctionnaire de l'empire.
D'après le RP Théodose Bouille [xxii], l'Evêché de Tongres ne fut détaché de celui de Trèves qu'aux environs de l'an 381, au temps de Saint-Servais. C'est le premier évêque de Belgique dont on peut être assuré de l'existence.
La confusion entre autorités civiles et religieuses était tellement répandue à cette époque que les gens ne faisaient pas toujours la distinction entre les compétences relevant des unes et des autres.
Quant à Saint-Servais, on dit de lui qu'il était seulement préoccupé par ses devoirs sacerdotaux. Les Tongrois lui reprochaient même durement de trop négliger les affaires séculières du diocèse, d'ignorer les coutumes locales et, bref, de ne pas être assez représentatif de leur cité. C'est ainsi qu'ils le chassèrent de la ville.
Saint-Servais en profita pour évangéliser plus profondément la région voisine.
Au cours de ses déplacements, il fit étape à Projectum. Cet endroit s'identifie avec Chapeauville, un hameau voisin de Bernalmont et où le saint évêque ne pouvait arriver de Tongres qu'en suivant notre chaussée romaine et en passant par le Liers de ce temps-là...
Les coteaux mosans étaient alors très escarpés et de Projectum alias Chapeauville, un ruisseau jaillissant du rocher s'en allait précipiter ses claires eaux dans la Meuse. Séduit par la beauté du paysage qui deviendrait la ville de Liège, Saint-Servais décida d'y rester durant quelques jours et y fit élever un petit oratoire de pierres et de feuillage.
Au cours de ses oraisons, il eut la révélation qu'à cet endroit, un de ses successeurs bâtirait une église en son honneur.
On pense à la vieille église liégeoise bien connue mais ne pourrait-il s'agir éventuellement de cette "petite église" (ecclesiola) également dédiée à Saint-Servais (selon le chroniqueur Gilles d'Orval) et dont des fouilles récentes ont révélé des vestiges dans l'angle sud-ouest du choeur de la collégiale Saint-Barthélémy [xxiii] plus proche de Projectum?
Après un pèlerinage à Rome où Saint-Pierre lui serait apparu et lui aurait annoncé la destruction de Tongres par les Huns, Saint-Servais se retire à Maastricht, avec, dans ses bagages, les corps des saints de Tongres et leurs trésors, pour les mettre en sûreté.
Mais le temps des épreuves prophétisées est venu. L'empire romain cède de toute part sous la pression des Germains poussés dans le dos par les Huns. Les Francs, dangereusement avancés en Toxandrie (Limbourg), se voient attribuer, en 358, en échange de la cessation des hostilités, un territoire au nord de la grande chaussée Boulogne-Cologne, le long de notre fameuse frontière linguistique. Quand les légions romaines sont retirées du Rhin, en 406, pour assurer la protection de Rome, c'est la ruée sur la Gaule.
Tongres est détruite en 445 par Attila.
Le siège épiscopal de Tongres-Maastricht, vacant depuis la mort de Saint-Servais, en 384 (selon T. Bouille, op. cit.), le restera pendant plus d'un siècle.
"En ce pitoyable temps, les Huns....ravageaient....les provinces belgiques tellement que les Tongrois et les pays d'alentour furent destitués de pasteurs "jusqu'au baptême de Clovis, roi des Francs, qui fut baptisé et instruit par "Saint-Rémy, archevêque de Reims. Saint-Rémy eut soin de ces pays. Il y envoya Agricola (son neveu) qui fut évêque de Tongres." (T. Bouille, op. cit.).
Le Ve siècle (des grandes invasions) avait durement éprouvé l'Eglise et, en particulier, celle de Tongres. Le paganisme avait repris droit de cité. La déchristianisation était quasi totale. Une deuxième évangélisation était nécessaire.
Saint-Landoald, prêtre romain, compagnon, avec d'autres, de Saint-Amand (26e Evêque de Tongres, de 637 à 650), Saint-Remacle (27e Evêque de Tongres, de 650 à 654) s'y attachèrent vigoureusement. Saint-Lambert (29e Evêque de Tongres, de 658 à 698 ou 705) et Saint-Hubert (30e Evêque de Tongres, de 699 à 728) achevèrent la conversion de la Hesbaye et de l'Ardenne.
Le zèle déployé par ces missionnaires et l'impression qu'ils faisaient sur les populations étaient tels que le VIIe siècle fut appelé "le siècle des Saints".
Dans ces premiers temps de la religion chrétienne, la "vox populi" était souveraine et le principe "santo subito" (encore invoqué par la foule lors des obsèques du Pape Jean-Paul II) était la règle.
Le culte rendu à ces saints est immédiat. A Saint-Servais (Namur), la chapelle qui lui fut dédiée existait déjà à la fin du IVe siècle, alors qu'il était mort en 384.
Cette immédiateté se rencontre aussi dans le chef de Saint-Rémy (437-533) à qui l’église de Liers est dédiée et qui jouissait d'une immense popularité dans toute la Gaule déjà de son vivant. Entretenue à plaisir par les souverains d'origine franque (mérovingiens et puis carolingiens), cette popularité lui vaudra le patronage de plus de 600 églises (dont la nôtre) et chapelles dans presque tous les diocèses de France et de Belgique.
Notger (46e Evêque de Tongres, 971-1008) lui consacra un oratoire (en même temps dédié à Saint-Hilaire) dans les "encloîtres" de sa collégiale de Saint-Jean l'Evangéliste. Il aimait s'y retirer pour méditer et l'avait désigné pour y être inhumé. L'église paroissiale de l'Abbaye de Saint-Jacques, laquelle était l'oeuvre de Baldéric II, successeur de Notger, était encore consacrée à Saint-Rémy.
Le titre d'Evêque de Tongres (episcopus tungrensis) resta en usage jusqu'au XIe siècle quand ses titulaires adoptèrent définitivement l'appellation d'"episcopus leodiensis", évêque de Liège.
La "villa" de Liège était, en fait, devenue la résidence principale, la vraie cité de l'évêque de Tongres, dès la seconde moitié du VIIIe siècle [xxiv].
L'empereur Louis d'Allemagne avait confirmé l'église Notre-Dame et Saint-Lambert de Liège dans la possession légitime de toutes les largesses faites à l'église de Tongres par les Empereurs, les Rois, ses prédécesseurs et autres donateurs.
La Cité de Tongres allait céder la place à la principauté de Liège.
L'évêque, à la tête de la principauté, accaparé par ses obligations de chef d'Etat, avait délégué nombre de ses pouvoirs à une hiérarchie variée et nombreuse à la hauteur de l'importance du diocèse.
Celui-ci était réparti en divisions et sous-divisions: archidiaconés [xxv], conciles, paroisses, sous la houlette, respectivement, d'archidiacres, de doyens, de plébans [xxvi], de recteurs (curés) et mambours divers.
Ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de l'Official de Liège du 31.05.1401 évoquée plus haut, l'église de Liers est une "église-mère" assez féconde pour avoir engendré trois filles. Voroux-lez-Liers sera la quatrième, quatre siècles plus tard.
Depuis tout temps, l'église de Liers est dédiée à Saint-Rémy, ce saint dont le culte, on l'a vu, se répandit dès l'époque mérovingienne (VIe siècle).
Cette caractéristique confère à l'église de Liers un brevet de très grande ancienneté en tant que chapelle ou oratoire d'abord desservi par les communautés presbytérales voisines et, ensuite, par des prêtres à résidence fixe, avant d'être finalement érigée en église paroissiale au VIIIe siècle [xxvii].
Il en est de même pour Villers l'Evêque, Othée, Fize-le-Marsal et Xhendremael
Sur base de ces considérations, on peut faire remonter les fondements de notre église bien avant ce VIIIe siècle où elle acquit le rang d'église paroissiale.
Au surplus et sauf meilleure information, ainsi que la qualifie le Bulletin de la Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège (BSAHDL), T. XVIII, p. 300, la première paroisse de Liers était une paroisse "primitive", c'est-à-dire: une paroisse dont l'origine ne provient pas du démembrement d'une entité plus ancienne.
Intégrant, par ailleurs, Voroux-lez-Liers [xxviii], son rayonnement en tant qu'église paroissiale, détentrice des compétences ou droits attachés à cette qualification (dispensation des sacrements de baptême, mariage, etc...) s'étendait, donc, en ce VIIIe siècle, à un vaste territoire recouvrant les villages de Liers, Voroux-lez-Liers, Milmort, Rocourt et Vottem.
Une telle étendue était courante en ces temps-là.
Ainsi, le domaine de l'église Notre-Dame de Herstal comportait-il encore les localités de Vivegnis, Wandre, Bolland et Tilice. Toutefois, contrairement à Liers et malgré une relative proximité, Herstal ne relevait pas du Concile de Tongres, mais de celui de Saint-Remacle (archidiaconé du Condroz) et était la propriété du chapitre d'Aix-la-Chapelle, vraisemblablement en raison de ses affinités avec les Carolingiens.
L'église primitive de Liers appartenait à l'évêque "de Liège".
Selon une opinion généralement admise, les paroisses rurales se sont développées dans un cadre domanial. Que le domaine de la paroisse primitive de Liers ait pu appartenir à l'évêque n'est pas étonnant. Les évêques de Tongres et de Liège ont été particulièrement choyés par les tenants du pouvoir. Les rois mérovingiens, chapitrés par Saint-Rémy, pratiquaient une politique d'union entre l'Eglise et l'Etat.
Si cette politique avait le mérite de faciliter la progression de la religion, la pacification des moeurs engendrée par celle-ci participait, en revanche, à la consolidation du pouvoir royal. Il s'ensuit qu'en raison de leurs bonnes relations déjà avec les rois mérovingiens, les évêques se virent attribuer la propriété de plus ou moins grands domaines notamment à Tongres et à Liège.
Dans la loi franque, la terre appartenait au roi qui l'avait conquise. Clovis lui-même qui, par ailleurs, fixait à Tongres le berceau de sa dynastie, disposait à sa guise de ses biens. Ses successeurs mérovingiens, carolingiens, ottoniens firent de même, dans la même intention politique.
Au VIIIe siècle, l'évêque "de Liège" était Saint-Hubert, successeur de Saint-Lambert et, comme lui, titulaire du diocèse de Tongres-Maastricht.
Il avait fixé sa résidence à Liège dont il est d'ailleurs considéré comme le fondateur, tout en gardant le titre d'évêque de Tongres (episcopus tungrensis).On a vu que cette appellation s'appliquait encore à ses successeurs au XIe siècle.
C'est au XIe siècle que les revenus de l'église de Liers furent cédés à l'abbaye bénédictine de Florennes.
A ce sujet, vers l'an 1010, cédant aux instances de son fils Gérard, alors chanoine de Reims, le seigneur de Florennes, Arnoul 1er, y entreprit la construction de l'abbaye Saint-Jean-Baptiste.
Cette généreuse décision trouvait son origine dans le désir partagé par Gérard et son père d'accueillir dignement une phalange d'un doigt de Saint-Jean-Baptiste que le jeune prélat avait reçue peu de temps auparavant de son ami Richard de Verdun.
Cette sainte relique ne pouvait être mieux honorée que par un sanctuaire à la mesure du Précurseur.
L'église et le monastère furent bâtis en un temps record de cinq ou six ans par les efforts conjugués de Gérard lui-même et de Wéric, le premier abbé.
Florennes appartenait au diocèse de Liège.
Ainsi l'atteste une charte de l'an 980 dans laquelle l'empereur Othon II confirme à l'évêque Notger les donations faites précédemment à son église dans différentes localités de cette partie de l'empire, à savoir: Huy, Fosses, Lobbes, Tongres, Malines et Florennes.
La seigneurie de Florennes était forte d'une cinquantaine de villages.
L'empereur Henri II (Saint-Henri, canonisé en 1146) agréa la fondation de l'abbaye de Florennes par acte du 17 mai 1012 et, comme c'était l'usage, la pourvut de moyens d'existence en y incluant notamment......les revenus de l'église de Liers.
Le prince-évêque Baldéric II, féal sujet de Henri II, ne fut pas en reste. Il élargit cette dotation à la possession de la dite église de Liers avec tout son domaine. Largesse ou précaution d'un "propriétaire" dessaisi des moyens dont il disposait pour entretenir son bien?
Gérard qui était devenu évêque de Cambrai vint personnellement consacrer l'abbatiale et bénir le monastère. Il en avait dûment reçu l'autorisation de Baldéric II, détenteur à Florennes de l'autorité tant diocésaine que principautaire. Mais cela ne dut soulever aucune difficulté, les deux prélats étant parents dans la vie.
Quoi qu'il en soit, à partir de 1012, le titulaire de la nouvelle Abbaye, disciple de St-Benoît, est constitué seigneur du domaine ecclésiastique attaché à l'église de Liers où il établit sa propre cour de justice seigneuriale dite de Saint-Jean de Florennes.
On ne dispose pas de précision quant à la partie du village sur laquelle s'exerce cette juridiction en concurrence avec celle du seigneur laïque dénommée "la vieille cour". Mais, cette dernière appellation semble accréditer l'idée d'une plus grande ancienneté de la seigneurie laïque par rapport à la seigneurie ecclésiastique tout au moins sur le plan juridictionnel.
Un certain mystère plane aussi sur l'importance respective des deux domaines. Certains optent pour une répartition moitié moitié. Mais des confusions peuvent résulter du fait que le seigneur
ecclésiastique devait confier son pouvoir temporel à des "voués" ou "avoués" recrutés dans la noblesse locale (le seigneur laïque, p. ex.) ou des environs.
En 1190, d'après un décret [xxix] porté à la connaissance de "tous présents et à venir" par le doyen SYMON de la Sainte Eglise de Liège, l'église (c'est-à-dire: l'Abbaye) de Florennes agrandit ses possessions liersoises par l'achat, au fils de Nicolas de Villers, pour partie, à titre onéreux et, pour partie, à titre de subvention, de douze bonniers de terres et quatre fermes avec leurs pâtures et étables,"in atrio" [xxx] de Lyers.
Cette expansion fut-elle profitable? On peut se le demander.
Quelques années plus tard, l'entente entre l'Abbé de Florennes et le Chevalier Jean de Liers, seigneur laïque, cependant fidèle voué, va se détériorer pour diverses raisons: assujettissement à la dîme de biens ruraux nouvellement défrichés à l'intervention du Chevalier; contestations quant à la possession d'exploitations agricoles dont l'Abbé et le Chevalier se disputaient la propriété.
En outre, le Chevalier entendait bien exercer ses droits seigneuriaux [xxxi] à l'égard de certains de "ses sujets" qui s'étaient "mésalliés" et dont il exigeait la "morte-main" et le "formariage" mais qui avaient cru pouvoir s'y soustraire en cherchant refuge dans le domaine de l'Abbé.
Celui-ci, en accueillant les récalcitrants, n'avait, sans doute, fait qu'obéir à des règles de charité conformes au rôle modérateur que les moines jouaient dans une société médiévale pas toujours soucieuse de dignité humaine.
Les différends furent soumis à l'arbitrage de Henri, abbé de Saint-Laurent assisté par Méry de Fontaines et Renier d'Oreye.
Leur sentence du 6 octobre 1240, mit fin au conflit par une espèce de jugement de Salomon donnant plus ou moins gain de cause à chacune des parties et reportant jusqu'à l'octave de l'Epiphanie toute mesure de rétorsion envers les sujets de Jean de Liers qui ne pourraient être "molestés", tout au moins, entre-temps ...
En ce XIIIe siècle, l'Abbaye devait faire face vraisemblablement à des charges élevées. Non seulement, il fallait pourvoir aux nécessités de sa maison-mère de Florennes à qui les revenus de l'église de Liers étaient destinés, par décision impériale, mais encore fallait-il assurer la maintenance de cette même église.
Cela fut sans doute le cas à cette époque. Les principales dispositions de base du bâtiment actuel datent du XIIIe siècle.
L'Abbaye de Florennes s'est alors comportée comme un propriétaire responsable qui ne se contentait pas de percevoir des revenus mais qui, de surcroît, s'efforçait de promouvoir la finalité paroissiale de l'édifice.
On ne possède guère que quelques indications éparses quant aux abbés, moines ou autres membres de l'Abbaye qui auraient pu intervenir à Liers.
Chronologiquement, il y eut d'abord forcément Wéric, l'abbé fondateur, qui reçut Liers, en cadeau impérial, en 1012.
Comme seigneur ecclésiastique de Liers, on peut éventuellement citer le Bienheureux Gérard d'Orchimont, ancien Abbé de Florennes, décédé le 23 avril 1138 à Signy chez les cisterciens. Mais ce saint homme avait sans doute renoncé à tirer parti d'un quelconque titre de noblesse.
Par ailleurs, le Cartulaire de Saint-Lambert (t.II, p. 326) mentionne Eustache, comme curé de Liers, en 1281. Le fait qu'il soit désigné par un prénom pourrait signifier qu'il appartenait à une congrégation religieuse. Sans doute, la communauté monastique de Florennes qui l'avait investi des affaires paroissiales de Liers, à ce moment.
L'Abbaye est alors dirigée par l'Abbé Miles, florennois de naissance, mort en 1294 et dont l'existence est attestée par l'épitaphe signalant son tombeau découvert dans les ruines de l'église abbatiale.
Au temps d'Albert de Cuyck, prince-évêque de Liège (1196 à 1200), un Abbé de Florennes du nom de Guibert se signala de manière peu heureuse mais à son corps défendant.
Son confrère de Gembloux étant décédé, les religieux de cette abbaye où Guibert avait été moine, plébiscitèrent celui-ci, à l'unanimité, comme successeur du défunt.
Albert de Cuyck, alors gêné financièrement à cause des grandes dépenses qu'il avait dû consentir pour assurer sa propre élection, aurait prétexté des difficultés pour invalider la désignation de Guibert à Gembloux. Le P. Bouille (op.cit.) raconte qu'il revint assez facilement à de meilleurs sentiments après que les partisans de Guibert eurent "fait couler adroitement" entre les mains du prince-évêque, une certaine somme d'argent, à l'insu de leur favori.
L'exemple pernicieux de l'Evêque aurait vite infecté le haut clergé principautaire de telle manière que l'attribution des bénéfices, prébendes, etc... fit l'objet d'un véritable trafic. La famine et autres catastrophes climatiques de ce temps-là furent attribuées à la colère divine réprouvant ces pratiques indignes.
Sans aucun rapport avec celles-ci, d'autres soucis allaient affecter la situation de l'Abbaye de Florennes à Liers.
En effet, l'église-mère de Liers, ainsi d'ailleurs que toutes ses filiales, étaient restées à la collation [xxxii] du chapitre cathédral de Liège.
L'Abbaye de Florennes n'avait, semble-t-il, pas droit à la perception de la totalité de la dîme [xxxiii] de son église de Liers dont les chanoines de Saint-Materne [xxxiv] de la Cathédrale de Notre-Dame et Saint-Lambert pouvaient revendiquer une partie.
Une sentence arbitrale rendue le 11 avril 1302 reconnut leurs droits. En conséquence de quoi, en mai 1303, l'Abbaye de Florennes dut prendre l'engagement de leur verser une rente annuelle.
Ces mécomptes lassèrent-ils les moines ou bien ceux-ci avaient-ils décidé de se dégager des responsabilités paroissiales pour mieux se consacrer à leurs activités monastiques?
Toujours est-il que le 22 janvier 1311, l'Abbaye de Florennes vendit tous ses biens liersois, y compris sa cour de justice, au chapitre cathédral de Liège [xxxv].
Peut-être aussi qu'à cette époque pointait déjà la réforme instaurée par le Concile de Constance (1414) qui visait à confiner les religieux dans leur monastère
Ainsi finit, un peu abruptement, le patronage de l'Abbaye de Florennes sur la seigneurie ecclésiastique liée à l'église de Liers.
Cette situation avait cependant duré trois longs siècles. S'ils furent peut-être rendus plus agréables pour certains liersois par la pratique de sentiments de plus grande humanité en vigueur chez les disciples de St-Benoit, encore ne furent-ils cependant pas exempts, parfois, de heurts dus en grande partie à l'ambiguïté des relations avec le seigneur laïque.
La seigneurie ecclésiastique passa aux mains du Chapitre de la cathédrale liégeoise qui confirma le dit seigneur laïque dans ses fonctions d'avoué.
Du temps de l'Abbaye de Florennes, ces fonctions étaient, comme il a été dit, attribuées à des membres de la noblesse locale (rarement) ou des environs.
Ainsi, on trouve, dans les anciens textes :
Bartholomeo de Raucour (1190);
Thiry Magis de Villers, seigneur de Raucour (1213);
Lambrekinus de Raucour (1236);
Bartholomeo de Liers, vilicus (intendant) de Voroux (1264).
Cette liste est forcément lacunaire. A noter que tous ces personnages sont plus ou moins apparentés aux seigneurs laïques de Liers. Mais on ne rencontre parmi ceux-ci, comme avoués de l'Abbaye, que:
Jean de Liers, militem (chevalier) de Liers (1240);
Jean de Liers (1307).
Au XIVe siècle, l'église Saint-Rémy était donc rentrée dans le giron proprement liégeois.
Tellement bien que le 25 juillet 1314, accédant aux propositions du doyen et des membres du chapitre de la cathédrale de Liège qui lui faisaient valoir que l'église-mère de Liers et ses filiales abondaient en ressources de toutes sortes, le prince-évêque Adolphe de la Marck prit la décision d'annexer, unir et incorporer ("annectimus, unimus et incorporamus"), irrévocablement et inséparablement, cette même église au dit chapitre cathédral et d'en dédier la dîme à ses "fils bien-aimés" les dits doyen et chanoines, en vue de servir tant à la majoration des distributions quotidiennes réservées à leur entretien qu'à l'augmentation du culte divin dont ils étaient chargés en la cathédrale.
Il ne faut cependant pas voir dans cette opération assez insolite une quelconque intention de priver la paroisse de moyens d'action. En effet, il est expressément précisé, dans le décret, que plus ou moins 18 bonniers de terres, une prairie, une demeure avec ses dépendances, ainsi que les anniversaires fondés, les donations et tous les biens et revenus, échus ou futurs, de l'église de Liers, à l'exception de la dîme et des droits de patronat sur ses filiales, seront attribués à un "vicaire perpétuel" ( vicarius perpetuus) qui devra être installé sur place pour assurer la couverture de toutes les dépenses de fonctionnement incombant à cette même église. Il s'agissait, pour le cas où il viendrait à décéder ou à démissionner de son plein gré, de pourvoir au remplacement du "respectable seigneur Nicholas dit le Paien", par ailleurs, chanoine de Liège, en fonction à Liers en qualité de recteur (curé). .
Le remplaçant (vicaire perpétuel) devait être présenté par le doyen et le chapitre à l'archidiacre localement compétent. La mission de ce remplaçant consistait expressément à desservir les revenus épiscopaux et archidiaconaux et à gérer les avoirs destinés à la couverture des dépenses de l'église paroissiale de Liers.
On pourrait penser que cette gestion devait être en relation directe avec l'exercice de la charge de recteur (ou curé) de Liers mais pareille compétence n'est pas clairement indiquée dans le décret.
Cette appropriation de la paroisse de Liers par le chapitre de la cathédrale Notre-Dame et Saint Lambert de Liège, avec la bénédiction du prince-évêque, ne fait, somme toute, que concrétiser la position souveraine résultant de l'achat par le dit chapitre de la seigneurie ecclésiastique liersoise délaissée par l'Abbaye de Florennes le 22 janvier 1311.
Elle peut aussi trouver une explication dans le désir du chapitre d'activer la perception de ses revenus par une gestion rapprochée susceptible de mieux répondre aux difficultés financières qu'il rencontre à l'époque. La cathédrale est alors en pleins travaux de parachèvement ou de grosses réparations.
Un grave accident s'était produit en 1307. Le jour de Pâques, des pierres étaient tombées de la voûte. La grande couronne de lumières de la première travée s'était écrasée sur le sol, détruisant le fameux "labyrinthe" [xxxvi] en mosaïque.
Confronté à pareils impératifs, le chapitre qui ne pouvait guère compter sur des aides extérieures, se trouvait contraint de mobiliser ses propres ressources. La campagne de travaux allait durer 50 ans et occuper les règnes d'Adolphe et d'Englebert de la Marck (1313-1364).
Un vicaire perpétuel, intendant comptable des "abondants revenus" de l'église de Liers, avec mission de les acheminer rapidement à qui de droit (archidiacre, évêque ou église locale), était susceptible de favoriser cette mobilisation.
On ignore si la fonction du "vicaire perpétuel" désigné par le chapitre à la gestion de la paroisse primitive de Liers se perpétua par la suite.
Quant à la question de savoir si la paroisse tira profit de la gestion des chanoines, la réponse devrait être nuancée.
En effet, un siècle et demi plus tard, le 7 janvier 1461, le pléban de Tongres, Jean Boten, vice-doyen du concile de Tongres, le "doyenné" dont relevait encore l'église de Liers, fut saisi d'une plainte émanant des mambours (marguilliers) de cette église, Jean de Namur et Jean de Fraisnes, arguant que le chapitre liégeois était loin de s'acquitter, à Liers, de ses obligations de grand décimateur, comme le voulait le droit coutumier du concile de Tongres.
Les remontrances concordantes du concile furent apparemment favorables.
On sait, à cet égard, que l'église a bénéficié de divers remaniements à cette époque. Le choeur actuel et les trois premières travées de la grande nef datent effectivement du XVe siècle.
La marque du chapitre ne dut cependant pas se limiter à des questions matérielles. Ses représentants sur place: chanoines délégués, vicaires perpétuels ou recteurs, sans doute ouverts aux conceptions capitulaires durent naturellement les mettre en pratique.
Par essence, le chapitre de Notre-Dame et Saint-Lambert vouait une dévotion particulière à Saint-Lambert, d'une part, patron du diocèse et à la Sainte Vierge, patronne de leur cathédrale, d'autre part.
Ces dévotions se rencontrent bien à Liers où visiblement le culte marial prend même le pas sur celui qui reviendrait normalement à Saint-Rémy, patron de la paroisse.
Les représentations de la Vierge foisonnent dans l'église: vitraux, statue, tableau, chapelle, etc...
Quant à Saint-Lambert, on trouve, d'abord, en son honneur, à Liers, une belle statue de l'école de Delcour.
Ensuite, on ne peut perdre de vue que la plus grosse cloche (de 1364,5 K.) qui occupe le centre de la tour lui est dédiée. Si son installation remonte seulement à la fin du XIXe s., le fait d'y avoir pensé dénote une tradition locale de dévotion envers le saint patron du diocèse. Pareille tradition n'a pu être héritée que du chapitre Saint-Lambert, jadis propriétaire de l'église Saint-Rémy.
Au décès de la dernière châtelaine de Liers, Louise de Francsen, demeurée sans postérité et ayant légué tous ses biens au chapitre cathédral de Liège, ce dernier reprit possession de la seigneurie laïque dont il détenait la suzeraineté depuis 1338. Les deux cours de justice subsistèrent, en principe, jusqu'en 1796.
La fin de l'indépendance de la vieille principauté annexée à la France en 1795 allait balayer ces reliefs de la féodalité.
Le début du XIVe siècle fut particulièrement fertile en péripéties diverses touchant la dévolution des domaines seigneuriaux de Liers.
On a vu ce qu'il advint de la seigneurie ecclésiastique cédée au chapitre cathédral par l'Abbaye de Florennes le 22 janvier 1311.
Le 1er avril 1338, vraisemblablement sous la pression d'obligations féodales, le seigneur Jean de Liers, écuyer, céda la totalité de ses francs-alleux (maison, motte [xxxvii], forteresse, cour de Justice de la "Vieille Cour", etc...) à la Cathédrale, sans omettre l'avouerie qu'il détenait sur la cour de St-Jean de Florennes déjà acquise par le Chapitre.
Le 3 avril 1338, celui-ci rapporta le tout en fief à son vassal, l'écuyer Jean, à la condition qu'il tienne la forteresse à la disposition de l'Eglise de Liège et qu'il conduise les gens de Liers à la guerre quand il en serait requis.
La cathédrale maintenait sa cour de justice (de St-Jean) dont l'écuyer Jean resta l'avoué.
Ce dernier et ses successeurs se parèrent alors du titre de "Seigneurs de la Vieille Cour de Liers et avoués héréditaires de St-Jean de Florennes".
Les seigneurs laïques de Liers ne sont pas cités avant le XIIIe siècle (1213, 1218).
Ils faisaient, sans doute, partie de la classe des "milites de l'Eglise" constituée, à l'origine, par d'anciens asservis rompus au métier des armes et incorporés au dernier rang de la ministérialité épiscopale [xxxviii] [xxxix].
Au XIIIe siècle, la seigneurie laïque de Liers est aux mains de la famille des "de Villers" laquelle semble bien, à l'époque (1213; 1218), avoir trusté les domaines des alentours [xl].
Le Chevalier Wéry le Fort de Villers-lez-Juprelle est châtelain et seigneur de cette localité. Son frère, le Chevalier Thierry Magis de Villers-lez-Juprelle est, pour sa part, seigneur de Liers et de Rocourt. Comme son frère, il arbore les armes des Villers. En outre, en tant qu'"advoué de Lyers", il est l'homme de confiance de l'Abbaye de Florennes.
Un fait divers, si l'on peut dire, va cependant mettre à mal la bonne entente familiale.
En effet, Thierry Magis tue, par "mésaventure" (accident), son neveu, fils de Wéry le Fort.
Cet accident va entraîner une vendetta meurtrière entre les deux frères qui appellent leurs clans respectifs à la rescousse.
Wéry le Fort refuse "l'amende" offerte par son frère, selon les usages de ce temps-là, et l'assigne au champ de bataille. Une sérieuse empoignade se déroule dans les campagnes entre Villers et Juprelle. De nombreux et bons chevaliers ou écuyers de la région vont y laisser leur vie.
Thierry Magis, désespéré par la cruauté des événements, finit par abandonner le terrain et s'exile "outre mer" [xli].
Là, plein d'amertume à l'égard de sa famille pour le traitement, à ses yeux indigne, qui lui a été infligé, il va jusqu'à renier ses origines en rejetant le blason des Villers qu'il remplace par ses propres armes "d'argent à une croix d'azur".
Ce geste d'humeur aura des conséquences qui produisent encore leurs effets à l'heure actuelle.
En effet, c'est le nouvel écu de Thierry Magis que l'ancienne commune de Liers choisira comme blason et qui figure, à ce titre, avec ceux des autres communes fusionnées en 1977, dans les armes de Herstal.
Les héritiers de Thierry Magis arborèrent naturellement les nouvelles couleurs de leur père et prirent le nom de Liers comme patronyme.
La lignée des "de Liers" fut inaugurée par Bertrand de Liers, surnommé "le Vieux", fils de Thierry Magis.
Celui-ci avait finalement réintégré le giron familial après s'être réconcilié avec Wéry le Fort.
Ce dernier, alors que son frère était encore "outre mer", avait, sans qu'on sache trop pourquoi, vendu sa "hauteur" (seigneurie) de Villers et de Juprelle au Chapitre de la Cathédrale.
En sorte que lorsque messire Thierry Magis revint au pays, comme le dit J. de Hemricourt, il "demeura riche" ayant conservé la propriété de ses biens à Liers.
Peut-être pourrait-on voir, en ces circonstances, la raison pour laquelle les descendants de Thierry Magis de Villers prirent le nom de Liers comme seul patronyme [xlii]?
Thierry Magis eut encore une fille. Elle épousa Bolle de Fletenges, un "vaillant et preux" chevalier qui se distingua à la bataille de la Warde de Steppes le 13 octobre 1213. Son soroge (=beau-frère), notre Bertrand de Liers, premier du nom, prit également part à cette bataille où les Liégeois remportèrent la victoire sur leurs ennemis de toujours, les "Braybechons" (Brabançons) .
Bertrand le Vieux de Liers et son beau-frère participèrent ainsi activement au "Triomphe de Saint-Lambert" le plus éclatant de l'Histoire liégeoise.
Pour rappel, en 1212, le duc de Brabant, Henri 1er met à profit l'absence du prince-évêque Hugue de Pierpont, en campagne, avec son ost (armée), du côté de Huy, pour attaquer, par surprise, la ville de Liège sans défense.
Cinq jours durant, celle-ci est livrée au pillage, ses habitants massacrés, ses églises et maisons incendiées.
Pareils crimes ne peuvent rester impunis.
Le temps de panser ses plaies, de rameuter ses vassaux et de remobiliser ses troupes, le prince-évêque se met en marche, en octobre 1213, contre le Brabant, avec seulement quelques chevaliers, mais aussi et surtout des bourgeois de Huy et de Liège et des milices de l'Entre Sambre et Meuse conduites par Thierry de Rochefort et Hugues de Florennes, rentrés de Terre Sainte.
Comme convenu, il doit faire sa jonction avec son vassal, le comte de Looz et ses chevaliers, le 13 octobre, au point du jour, dans la campagne de Steppes.
Après avoir dédaigné le défi de l'évêque qui lui proposait de le rencontrer en combat singulier pour vider leur querelle, le duc de Brabant, assez lâche pour avoir fait revêtir son armure par l'un de ses chevaliers [xliii] , afin de ne pas être reconnu, range ses troupes en bon ordre, sur une légère éminence de la plaine, le dos au soleil, pour gêner la vue des Liégeois.
La bataille est lancée par le comte de Looz et l'escorte de Henri 1er qui se chargent mutuellement avec la volonté d'en découdre. Les autres corps de bataille suivent le mouvement.
Bientôt, on se rend compte que l'affaire ne s'engage pas très bien pour les principautaires.
Mais un prodige, dit-on, survient. Le soleil se voile tandis que les porteurs de la châsse et de l'étendard de Saint-Lambert [xliv] se lancent à corps perdu au plus fort du combat et raniment le courage de leurs compatriotes qu'ils rallient au cri de "Notre-Dame et Saint-Lambert".
La percée est décisive et sème l'épouvante chez les Brabançons peu désireux de se mesurer aux vertus attachées aux reliques du saint évêque. A commencer par les chevaliers qui s'enfuient, entraînant la piétaille. Les Liégeois les poursuivent et se livrent à une véritable curée. Elle durera jusqu'à la nuit. C'est la loi du talion. La punition des Brabançons doit être à la mesure des forfaits qu'ils ont commis à Liège l'année avant.
La victoire est totale et tient du miracle aux yeux des Liégeois. Le 13 octobre deviendra une sorte de fête nationale dont l'anniversaire sera fidèlement célébré à la cathédrale avec un faste grandiose, carillonné durant une nuit et un jour, jusqu'à la fin de l'ancien régime.
Ce fut sans doute en pareilles occasions où ils purent s'illustrer que les sires de Liers se forgèrent une réputation de vaillants combattants.
Les Bertrand de Liers furent non seulement les premiers à porter ce patronyme mais ils instituèrent une véritable dynastie.
Elle commence par Bertrand I de Liers ("le Vieux"), seigneur de Liers succédant à son père Thiry Magis de Villers, au début du XIIIe siècle. Cette race prolifique s'étend jusqu'à Bertrand VII qui, lui, meurt sans descendance vers 1430.
Les Bertrand de Liers dont on voit que Bertrand II et Bertrand III détiennent la seigneurie de Liers successivement en 1266 et en 1276 essaiment à partir de Bertrand IV qui va créer la première seigneurie de Nederkanne et Eben-Emael.
Après Bertrand III, les château et Motte de Liers restent bien nominalement dans la famille mais passent dans les mains d'une autre dynastie aussi connue bien que moins prolifique: les Jean I, II et III de Liers qui vont occuper la seigneurie jusqu'en 1426.
Les de Liers étant dépourvus à ce moment d'héritier mâle, leurs possessions, leurs titres de seigneur et avoué de Liers échoient à Gilet de Sorozéez, seigneur d'Andrimont, dit de Bombaye qu'avait épousé Jeanne de Liers, la fille que Johan, le dernier sire et avoué de Liers, porteur de ce nom, eut de son mariage avec la fille de Rasse de Hacourt, chevalier, échevin de Liège et seigneur de Haversin [xlv].
Aux "de Bombaye" de 1424 à 1528, succédèrent les "de Harche" de 1528 à 1540, "Van den Waarden" de 1540 à 1571, "de Merlemont" de 1571 à 1634, "Frérart" de 1634 à 1718 et "de Francxen" de 1718 à 1759.
Il n'empêche et c'est assez remarquable que de Thiry Magis de Villers, premier seigneur attesté de Liers, jusqu’à Louise-Catherine Francxen, les détenteurs des titres attachés aux seigneuries laïque et ecclésiastique de Liers se succèdent dans une filiation continue assurée par les filles. La dernière châtelaine laïque descend en ligne directe de Bertrand I de Liers, le fils de Thiry Magis.
Lorsqu'il n'y avait pas de successible masculin, le domaine ne dut jamais être vendu; il y eut toujours une fille pour passer le flambeau familial à son mari.
Bien qu'ils n'aient pas été pourvus de titres nobiliaires supérieurs à celui de chevalier, les de Liers étaient reçus dans les plus hautes sphères sociales de la principauté. Ils furent alliés ou apparentés aux plus grandes familles liégeoises ou non.
Ainsi, Bertrand IV de Liers épousa la cousine du prince-évêque Adolphe de la Marck alors que la soeur de sa femme convolait avec le sire d'Alpe, « gentil » voué de Cologne.
Tout ne fut pas toujours limpide dans les amours des membres de la famille
des de Liers. Biertrans delle Boverie, l'un des arrières-petits-neveux de messire Johan I, le Vieux Voué de Liers, défraya même la chronique de l'époque. Il eut l'heur de plaire à Madame de Renaix et de Beaufort-sur-Meuse, fille d'un noble banneré du Hainaut, seigneur d'Antoing. Elle venait de perdre son premier mari, le noble seigneur Robert, frère du comte de Namur. Mais en quête de consolation et très éprise, elle passa outre à l'opposition formelle du comte et elle épousa son séduisant Biertrans en l'an 1400.
En ce temps-là, si les "milites" qu'étaient nos Liersois accédaient sans trop de problèmes à l'état d'écuyer pourvu que, jeunes dans le métier des armes, ils fissent montre de pugnacité, encore devaient-ils se mouiller la chemise ou plutôt le haubert pour être adoubés chevalier.
Jean I, le Vieux Voué de Liers, fut honoré de ce titre, à l'issue de la bataille de Vottem, remportée le 19 juillet 1346, par les "communiers" liégeois, sur une armée de chevaliers de haute noblesse comportant la crème des barons, etc... de l'Empire qui avait été rassemblée, pour mater ses sujets en état de révolte permanente [xlvi], par le prince-évêque Englebert de la Marck. Les barons trop lourdement armés durent céder devant les "communiers" liégeois.
Bertrand V de Liers, alors Seigneur de Nederkanne et Maître à tems (bourgmestre pour un an) de Liège, mérita la même distinction, pour ses hauts faits, lors du siège et de la destruction du château d'Argenteau, en 1347, en riposte, notamment, aux crimes odieux perpétrés par son propriétaire, Renaud III, à Milmort, dont il avait brûlé les maisons et occis 120 habitants [xlvii].
.Les exploits des sires de Liers n'avaient pas que les champs de bataille pour seul théâtre. Ils montraient aussi des dispositions pour la diplomatie. Ainsi, en 1461, le seigneur de Liers, Henri de Bombaye et le seigneur de Seraing firent partie d'une délégation envoyée par les Etats du Pays de Liège en ambassade auprès du roi de France Louis XI pour solliciter son intervention contre leur prince Louis de Bourbon "qui les ruinait et leur faisait la guerre".
La mission fut particulièrement bien traitée par Louis XI qui ne ratait jamais une occasion de contrarier son ennemi le duc de Bourgogne Philippe le Bon dont Louis de Bourbon était le neveu. Et dans le but de récompenser les services des plénipotentiaires liégeois, il arma chevaliers les seigneurs de Liers et de Seraing [xlviii].
Henri de Bombaye eut même l'occasion de poursuivre l'exécution de ses bons offices en 1468, en accueillant, en son château de Liers, Louis de Bourbon, pour une entrevue avec le légat du Pape, venu y plaider la cause des Liégeois [xlix]. En vain, malheureusement.
Comme d'ailleurs furent vaines, les fausses promesses d'assistance prodiguées aux Etats de Liège en 1461 par l'inconstant et peu fiable Louis XI qui retourna sa veste et se rangea dans le camp des bourguignons. Les conséquences pour le Pays de Liège ainsi livré à la vindicte de Charles le Téméraire furent terribles.
Plus tard, en 1609, Jean de Merlemont, Haut-Voué et Seigneur de la Vieille Cour de Liers, est désigné comme "Maistre-a-tems" (Bourgmestre pour un an) de la ville de Liège. Il n'était pas "sans rien", cumulant les titres de Grand Bailly de la Cathédrale Saint-Lambert avec ceux de seigneur, non seulement de Liers, mais encore de Cortils, de Herck-Saint-Lambert et de Voroux [l] . Il s'était porté acquéreur de cette seigneurie, le 27 juin 1601, entre les mains d'Arnold de Marbais qui l'avait reçue du précédent sire du lieu, son oncle, Jean de Mérode.
Le 10 février 1582, le même Jean de Merlemont avait épousé Damoiselle Cathérine du Château de Slins. En 1617, ils firent don à l'église St-Rémy [li] d'une verrière (vitrail) de grande dimension, avec, au centre, une inscription témoignant de leur identité et de leurs titres, et, disposés tout autour, leurs quartiers de noblesse respectifs. A savoir, à gauche, les quatre quartiers de Jean représentés par les armes de ses grands-parents paternels (les Merlemont et Vandenwarden) et maternels (les Straille et de Harche de Liers) et, à droite, les quatre quartiers de Cathérine, constitués par les blasons de ses grands-parents paternels (du Château de Slins et d'Almaila) et maternels (de Juprelle et de Malaxhe).
A l'époque, les relations sociales semblent bien se cantonner dans les environs assez proches, suscitant des unions entre gens qui se connaissent bien.
Au sujet de ce vitrail, Monsieur le Curé (le Père Luc) a reçu récemment une visite aussi inattendue qu'intéressante: une personne venue de Paris, à la recherche de ses origines, et qui se disait descendant de la famille des de Merlemont de Liers. Il souhaitait pouvoir admirer la verrière de ses ancêtres ou savoir, à tout le moins, ce qu'était devenue cette relique familiale.
Hélas, la situation exacte du vitrail n'est même pas assurée. On pense qu'il décorait la première baie de la nef de droite à côté de l'autel de St-Joseph mais plus personne ne s'en souvient à Liers. Si un dessin put en être exécuté en 1905, selon certains, il semble bien que ce dessin fut inspiré par la description que Lefort en donne dans son épitaphier.
Il n'en est pas question, par ailleurs, dans les archives relatives au placement de nouveaux vitraux après les grands travaux effectués à l'église de 1880 à 1894 et qui aboutirent à la démolition et au reconditionnement de la basse-nef de droite.
Selon toute probabilité, cette verrière a été détruite lors du saccage de l'église par les Suisses de Louis XV après la bataille de Rocourt du 10 octobre 1746.
M. le Curé regretta bien de ne pouvoir satisfaire à la curiosité légitime du sympathique descendant parisien des seigneurs de Liers du XVIIe siècle.
La dernière châtelaine de Liers, Louise Cathérine de Francxen mourut sans postérité. Elle avait, par testament du 29 avril 1759, légué, à son suzerain, le Chapitre cathédral de Liège, son château (s'il en était resté quelque chose après le passage calamiteux des troupes françaises en 1746) et l'avouerie.
Le comte de Hoensbroeck d'Oost, chanoine tréfoncier de la Cathédrale Saint-Lambert qui allait devenir l'avant-dernier prince-évêque de Liège, vint comparaître, le 7 septembre 1760, devant la Vieille Cour de Liers et prit possession de la seigneurie au nom du Chapitre.
Il n'y eut plus, dès lors, de seigneur laïque à Liers. Les deux cours de justice continuèrent à subsister de concert jusqu'en 1796.
On se souviendra pourtant longtemps, de Louise-Cathérine de Francxen, car elle avait bon coeur.
Elle avait institué une rente annuelle de 44 francs (encore assez significative au début du XXe siècle) qui devait être allouée aux indigents de la paroisse à la Messe d'Or [lii], célébrée avant l'aurore du mercredi précédant la Noël.
Une coutume locale y ajouta une distribution de crêpes. En conséquence de quoi, la "Messe d'Or" fut appelée "Li Mèsse dès boûkètes".
C'est un peu de cette ancienne coutume que tentent de revigorer les sympathiques animateurs de notre maison paroissiale ou du marché de Noël quand ils vous invitent à déguster leurs délicieuses crêpes ou à siroter un vin chaud à la sortie de la Messe de Minuit.
Ceux qui répondent à cette invitation se doutent-ils qu'ils participent à une tradition de convivialité dans la foulée des intentions bienveillantes qui animaient Louise Cathérine de Francxen, la dernière châtelaine de Liers?
Une dame de coeur.
Comme témoignages de ce passé parfois glorieux construit par les seigneurs ecclésiastiques et laïques de Liers, il reste les deux plus imposants monuments du village : l’église et son pendant géographique : la Motte.
L’une et l’autre font l’objet de mesures de classement en tant que monuments historiques à l’intervention de la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles.
Pour la Motte, on l’a vu au chapitre qui lui est consacré, le classement fait l’objet de l’arrêté royal du 29 mai 1952.
Pour l’église, l’arrêté royal de classement ne concerne qu’une partie considérée comme la plus ancienne de l’édifice, à savoir : le choeur, les trois travées de la nef principale attenantes au chevet et la chapelle absidale gauche consacrée à la Ste-Vierge.
Les cinq premiers pignons (à partir du chevet) de la façade latérale sud (côté presbytère) présentent à leur sommet des dalles en tuffeau ornées, en alternance, de rosaces à double corolle et d’écus barrés d’une croix verticale.
Ces décors rappellent que sous l’ancien régime, deux seigneuries, personnifiées par leurs cours de justice respectives, se partageaient le village de Liers.
Les corolles, pour St-Jean de Florennes dont l’emblème ne pouvait être que floral et les écus, pour « La vieille cour » qui arborait les armes des sires de Liers : « un écu d’argent à la croix d’azur ». On l’a vu également, cet écu fut repris comme armoiries par l’ancienne commune de Liers.
La Motte est pratiquement le seul vestige laissé par les seigneurs laïques. Son volume atteste de l’importance du donjon qui la coiffait.
Chargée d’un passé aussi riche en événements divers, elle mériterait un peu plus de considération que celle qui lui est réservée de nos jours. Des projets en vue d’une amélioration de cette situation seraient, paraît-il, à l’ordre du jour. Espérons qu’ils se concrétiseront effectivement dans le sens d’une meilleure conservation de ce témoin du passé.
Il reste encore aussi deux pierres tombales encastrées dans le mur séparant l’ancien baptistère (actuellement la chaufferie) du parvis de l’église mais elles ont été consciencieusement martelées par les révolutionnaires de la fin du XVIIIe s. et sont devenues pratiquement illisibles.
Quant à l’Abbaye de St-Jean de Florennes qui a occupé les lieux pendant trois siècles, on en relève encore des traces dans la toponymie.
La localisation de la « Ferme de l’Abbaye » au lieu-dit « A l’Abbaye », chaussée Brunehault, est déjà attestée sous la dénomination « Abbatiam » en 1348. Les moines avaient quitté les lieux depuis 1311 mais de quelle autre abbaye pouvait-il s’agir étant entendu que les nouveaux propriétaires étaient les chanoines de la cathédrale ?
Sur les plans cadastraux, on situe encore « devant l’Abbaye », les propriétés de la chaussée Brunehault en face de la rue des Prairies (anciennement rue de l’Abbaye).
Le premier chemin de remembrement rencontré à gauche de la route vers Fexhe-Slins, sur le territoire actuel de Liers-Juprelle, dessert la campagne du « Passay de l’Abbaye » (sentier de l’Abbaye ). Celui-ci traversait le site actuel de la gare SNCB pour aboutir « devant l’Abbaye » en face de la rue des Prairies.
La toponymie du village fourmille d’ailleurs d’appellations ou expressions du cru susceptibles d’éclairer le passé.
On peut citer pêle-mêle : Hardisse voie, rue des Ragayèts, Chèvre-voie, ruelles du Bot, du Greffier, de l’Enclos du Marly, Barrière St-Martin, rue du Cheval Blanc, etc... Les commenter serait hors de propos dans le cadre de ce qui nous occupe.
Il y aurait peut-être encore beaucoup à dire dans ce cadre, comme de décrire l’intérieur de l’église, son mobilier. Mais cela a déjà été fait, fin 1994, à l’occasion du centième anniversaire du clocher, dans une plaquette relative aux travaux effectués à l’église au XIXe s.
Rien ne vous empêche de lui faire une petite visite juste avant ou après les célébrations qui s’y déroulent, notamment le dimanche.
Pratiquement, chaque élément offrant un certain intérêt est assorti d’un écriteau qui donne les renseignements utiles.
Pour le surplus, sécurité oblige, l’église n’est plus accessible au public en dehors des offices.
Cependant, les « internautes » pourront satisfaire leur éventuel désir d’en savoir plus, photos à l’appui, en se branchant sur le site « http://www.kikirpa.be ».
[i] Note: D'après la boussole, l'église n'est pas parfaitement orientée: chevet face à l'Est. Sa position est, en effet, décalée vers le Nord, d'environ 33°. Mais, cette orientation correspond pratiquement au point de lever du soleil au solstice d'été. Alors, "Est" ou "pas Est", c'est la question...
[ii] Omaliens: sous-groupe culturel ainsi appelé par référence au village d'Omal (près de Waremme) où leur présence a été détectée lors de fouilles au XIXe s. Ces premiers agriculteurs-éleveurs, peut-être originaires du Limbourg hollandais, auraient immigré en région liégeoise vraisemblablement par la Meuse avant de gagner la Hesbaye par les hauteurs proches de Liège: Liers, Rocourt, Alleur, etc...qui comptent aussi de nombreuses traces de leur séjour (cfr A. Renson, "Archéoforum de Liège", pp 28 et 29, édité par l'Institut du Patrimoine wallon, 2004).
[iii] Les Celtes, Gaulois, Gallo-romains honoraient des dieux romains ou romanisés. Les chaussées de Bavay étaient vouées aux sept divinités planétaires, comme les jours de la semaine: le soleil (dimanche) , la lune (lundi), Mars (mardi), Mercure (mercredi), Jupiter (jeudi), Venus (vendredi), Saturne (samedi).
[iv] Ceci n'est pas une boutade. Le chanoine Biévelet de Bavay à qui revient l'initiative des fouilles effectuées, eut la surprise, au cours de recherches sous la structure de l'une des sept chaussées partant de sa ville, de dégager les restes de la route celte précédente: la couche supérieure de celle-ci était constituée de gros pavés identiques à ceux de l'actuel "Enfer du Nord"!
[v] Heure-le-Tiexhe, c'est à dire le Teuton, par opposition à Heure-le-Romain. Dans ces toponymes "Heure" signifie "frontière". En France, dans les environs de Thionville, on rencontre aussi Audun-le-Roman et Audun-le-Tiche, à quelques kilomètres l'un de l'autre, pour marquer la même différence « linguistique », déjà..
[vi] Dans ces dénominations, le terme "Pavé" (on rencontre aussi: "Pava") semble bien venir d'une traduction "littéraire" du wallon: "Pavêye": chemin pavé, chaussée.
[vii] En ce temps-là, le tronçon de la rue provinciale allant de l'église à la gare SNCFB portait le nom de "Chemin de l'Etrou". Quant au trajet de la chaussée Brunehault entre la rue des Prairies et le carrefour de l'église, il était réduit à l'état de "Passage" (=sentier?).
[viii] Cette "rapidité" était favorisée par la qualité des chaussées romaines. On n'en veut pour preuve que l'exploit réalisé par l'empereur Tibère qui, parti de Mayence, réussit à parcourir des étapes de 280 km par jour pour se rendre au chevet de son frère mourant.
[ix] Oppidum: place-forte aménagée par les Gaulois
[x] Un tenon, prélevé dans le boisage de cette chaussée, a été soumis par l'Institut de Chimie et de Physique nucléaire de l'U. Lg, à la méthode de datation au Carbone 14. Il en résulte que ce bois remonte à une période allant de 248 à 150 avant J.C. et donc antérieure à l'occupation romaine (Rapport de J. Lewalle, invoqué par M. W. Ch. Brou, in revue "Province de Liège", n° 130, nov. 1973, p. 9).
[xi] Cette opinion n'est pas généralisée. D'aucuns estiment ne devoir pareilles voies de communication qu'à l'ingéniosité des entrepreneurs romains engagés par Marcus Agrippa sur les instances de l'empereur Auguste. Si tel devait être le cas, il resterait à expliquer la rapidité avec laquelle les légions romaines ou les vaillantes troupes gauloises parviennent à se déplacer avec une telle vélocité à travers toute la Gaule Belgique pendant la "Guerre des Gaules" menée par Jules César.
Ainsi, lorsque les lieutenants de celui-ci, Sabinus et Cotta, bloqués avec leurs légionnaires, en -56, dans leurs quartiers d'hiver d'Atuatuca (Tongres?), par Ambiorix, discutent de l'opportunité de rejoindre les quartiers voisins de Labienus (Mouzon?) ou de Cicéron (Binche?), l'un et l'autre à ±50.000 pas, soit 75 km., Sabinus évalue à deux jours le temps nécessaire à leur jonction (J. Cesar, "Guerre des Gaules", livre V, 30).
Déplacer une légion romaine et ½, avec armes et bagages, à raison de près de 40 km par jour aurait-il été possible le long de "vagues sentiers reliant des huttes gauloises disséminées dans les campagnes"?
[xii] Sortes de prestations de serment au cours desquelles le scout aspirant « promet » de respecter la « loi scoute » et reçoit son « totem », c’est-à-dire, le nom qui lui a été choisi par ses « frères scouts » et qui sera dorénavant le sien dans ses rapports avec les autres membres du mouvement scout. Le « totem » s’inspire généralement du nom d’un animal et est assorti d’un qualificatif plus ou moins approprié à la personne ainsi désignée.
[xiii] « Bouni », en wallon, signifie « bonnier », ancienne mesure agraire correspondant à 87,188 ares, soit 20 « grandes verges » ‘(cfr Dict. liégeois de J. Haust). Le fort de Liers a été construit à proximité du lieu-dit « A l’arbre des dix bonniers ». La « route des bounis » est devenue la « route du Fort » (secteur de Juprelle ».
[xiv] En ordre principal, il est fait référence ici au Bulletin de la Société d'Art et d'Histoire du Diocèse de Liège (en abrégé: BSAHDL), T. XVIII, pp. 300 à 305.
[xv]. Concile: dénomination médiévale d'un doyenné actuel..
[xvi] Official: organe de l'administration diocésaine.
[xvii] Ban: territoire sur lequel s'exerce l'autorité d'un seigneur au moyen-âge. Vient du latin "bannum" qui servait, au Moyen-âge, à désigner l'autorité publique (Histoire et Patrimoine de la Province de Liège, V, la Féodalité, p.130, J. L. Kupper, éd. Alambic, 1997).
[xviii] J. César, Guerre des Gaules, VI/32.
[xix] Ibid., VI/34 et VIII/24-25.
[xx] Le diocèse de Liège, héritier de celui de Tongres, occupera la situation géographique de la "Civitas Tungrorum" jusqu'en 1559 (cfr "Liège, Autour de l'an Mil", p. 95, Ed. du Perron, 2000).
[xxi] Cfr la notice consacrée à Saint-Materne (fête le 14 septembre) au "Propre de Belgique" du "Missel quotidien vespéral", Ed. du Mont César - Louvain, 1960. Vers 314, il serait venu prêcher à Tongres et y aurait converti en chapelle un temple d'Apollon.
[xxii] "Histoire de la Ville et du Pays de Liège", parue en 1725, écrite par le Père F. Théodose de la Mère Dieu, dit Bouille, Bachelier de la Sorbonne, Professeur de théologie. Des extraits copiés de la main de J.L. Fouarge, étudiant en théologie en 1791, reposent dans les archives du presbytère.
[xxiii] cfr. "Liège. Autour de l'an mil, la naissance d'une principauté (Xe-XIIe s.)" Ed. du Perron, 2.000, p.193.
[xxiv] cfr. "Saint-Lambert - Herstal, Patrimoine historique et religieux" édité par le Crédit Communal (Dexia) à l'occasion du 75e anniversaire (en 1985) du Collège N.-D. et St-Lambert, p. 25. Cfr aussi J. Lejeune: "Liège. De la principauté à la métropole", 3e édition, p. 50. Anvers 1974, Fonds Mercator SA.
[xxv] T. Bouille (op. cit., rubrique: Gerbald - XXXIVe Ev. de Tongres): Archidiacres =hauts dignitaires ecclésiastiques, ayant préséance sur les Abbés crossés et mitrés, institués pour soulager l'Evêque de ses charges épiscopales, par le Pape Léon III, lors de son passage à Liège, en 804; leur compétence s'étendait sur un archidiaconé; les archidiaconés étaient subdivisés en conciles (doyennés).
[xxvi] Pléban (ou plébain):suivant cette entrée au dict. Robert = chef d'un clergé paroissial vivant en commun et suivant une même règle (en 1347).
[xxvii] Bulletin de la Société d'Art et d'Histoire du Diocèse de Liège (BSAHDL), T. XVIII, pp. 295, 296 et 300.
[xxviii] En 1712, alors déjà démembrée de Milmort et de Vottem, la paroisse de Liers recensait quarante-deux ménages et 200 communiants. Cette modeste population comprenait les vingt-quatre ménages et quarante communiants de Voroux-lez-Liers.
Voroux-lez-Liers, dont la chapelle castrale avait été admise au culte public en 1676, ne fut érigée en succursale indépendante que le 11 juillet 1842. Il fallut encore attendre jusqu'au 1er avril 1854 pour que l'évêque de Liège précise que le desservant de Voroux exerçait complètement la juridiction spirituelle dans toute l'étendue de la commune de ce nom.
Quant à Rocourt, bien que déclarée indépendante de Liers, par arrêté du Préfet de l'Ourthe du 05 mars 1807, mais dont l'église était dépourvue de fonts baptismaux, ses paroissiens relevèrent encore de Liers jusqu'au milieu du XIXe siècle, pour recevoir le baptème.
[xxix] Cartulaire de St-Lambert, t.I, p.117.
[xxx] "Atrio" venant de "atrium": en latin, salle d'entrée, portique d'un temple. On pourrait traduire "in atrio de Lyers" par "à l'entrée de Lyers", pour indiquer ainsi, vaguement, la situation des nouvelles acquisitions. Mais, dans l'architecture paléo-chrétienne, l'atrium désigne, en particulier, une cour entourée de portiques, au moins sur 3 côtés, devant la façade antérieure ou derrière le chevet d'une église. Ainsi,dans le décret, l'"atrium" serait l'endroit où se seraient effectuées les transactions: éventuellement, le portique d'entrée ou le cloître ou encore une salle de réception de l'éventuel édifice conventuel occupé par les moines à Liers. A moins que cette appellation latine ne subsistât en souvenir de l'une ou l'autre construction romaine antérieure ou même liée à l'oratoire ayant précédé l'église primitive(?). A noter encore qu’au XIXe s., la cour devant l'église était occupée par une petite maison en pierre de tuffeau appelée la "maison vicariale" habitée par le sacristain et sa famille.
[xxxi] Le seigneur qui, par définition, détient la terre, concède à "ses" paysans notamment des "tenures" (parcelles) qu'ils peuvent cultiver à leur profit moyennant redevance. La "morte-main" est, en fait, un droit (de succession) dû au seigneur par les héritiers du tenant pour pouvoir continuer l'exploitation paternelle. Le "formariage" est une amende infligée à ceux qui épousent des personnes d'une autre seigneurie ce qui équivaut à une "mésalliance", considérée comme une trahison, une" forfaiture", passible de sanctions.
[xxxii] Bénéfice ecclésiastique revenant au chapitre cathédral pour subvenir à ses besoins.
[xxxiii] Dixième partie des récoltes qu'on payait à l'église ou au seigneur.
[xxxiv] Chanoines de St-Materne, ainsi appelés du nom de la chapelle qu'ils occupaient primitivement en l'église de ND aux Fonts où les avait affectés l'évêque Notger (vers 973) avant d'être versés (vers 1200) dans le chapitre de la cathédrale.
Celle-ci était dotée de deux chapitres spécialisés dans le service du culte: celui de la "Petite table" (avant 1234) et celui de St-Materne.
En tant qu'Electeurs du prince-évêque, les chanoines du chapitre de la cathédrale participent au gouvernement de la Principauté. Ils en sont bien conscients se disant eux-mêmes "seigneurs tréfonciers", gardiens des biens de leur Eglise (l'héritage de St-Lambert), alors que l'évêque n'en est que le "seigneur viager" puisque, de par son état, il ne saurait avoir d'héritier.
Les charges financières du chapitre comme gestionnaire de la cathédrale sont très lourdes et ses besoins insatiables.
[xxxv] En langage de l'époque: "tos les allues ke li ditte maison, abbés et convens tenoient et avoient en le vilhe et en terroir de Lyers soit en terre, en preis, en cens, en bleis, en chapons, en justice, en patronat d'église soit en autre yretage et queilsconques biens que ce soit" (Cartulaire de Saint-Lambert, t. III, p. 112).
[xxxvi] Labyrinthe: assemblage de dalles dessinant des méandres dans le pavement de la nef centrale des cathédrales gothiques et que, parfois sous la conduite de l'évêque, les fidèles parcourent, pieds nus ou à genoux, dans un simulacre de pèlerinage. Le chemin à suivre, clairement indiqué, mène au milieu du dispositif qui représente le but à atteindre: la Jérusalem céleste. Les labyrinthes des cathédrales Notre-Dame d'Amiens et de Chartres sont restés justement célèbres. Celui dont il est question ici en ce qui concerne la cathédrale Notre-Dame (et St-Lambert) de Liège se faisait remarquer pour son caractère "subtil".
[xxxvii] Motte: voir au chapitre consacré à "la Motte de Liers", monticule de terres rapportées servant, dans les pays dépourvus de rochers escarpés, de base aux forteresses seigneuriales. Celles-ci n'auraient pas vu le jour avant le XIe s. Elles se répandirent, par ailleurs, au XIIe s., dans le Limbourg et la Campine (Taxandrie) sans doute sous l'impulsion du prince-évêque Henri II de Leez qui institua la "Charte des Forteresses" en 1154.
[xxxviii] Les ministériels sont mandatés par l'évêque pour occuper des fonctions (ministerium) auliques (cour princière, tribunaux,...) ou publiques (maïeur, échevins, maintien de l'ordre,...).
Par ailleurs, des importants et riches domaines concédés à l'Eglise liégeoise par les tenants du pouvoir temporel, Notger avait fait trois parts. Il s'en réservait la première tandis que la deuxième revenait au clergé. Quant à la troisième, elle constituait un fonds dans lequel le prince-évêque pouvait tailler les fiefs qu'il destinait, selon leurs mérites, à ceux qui l'avaient bien servi notamment par les armes (cfr J. Lejeune, "Liège, de la Principauté à la Métropole", 3e éd., Anvers 1974, Fonds Mercator SA, pp. 54, 72).
Mais ce ne fut, peut-être, pas le cas pour Liers où les seigneurs laïques pouvaient faire état de francs-alleux et donc librement possédés en propre.
lls en firent néanmoins hommage à leur suzerain, la Cathédrale, en 1338. Celle-ci les leur rendit en fief aussitôt.
[xxxix] Avec de 400 à 500 "milites", l'évêque de Liège pouvait aligner autant de "lances" que le roi de France guerroyant, en 1119, contre son vassal le duc de Normandie et roi d'Angleterre (cfr J. Lejeune, ibid.).
[xl] Source: Pour une grande part: "Le miroir des Nobles de Hesbaye" de J. de Hemricourt (Ex libris www.chokier.com).
[xli] "Outre mer": Il s'agit, sans doute, de la mer Méditerranée. Cinq croisades se sont déroulées au XIIIe s. La chronique de J. de Hemricourt cite, à cette époque, dans la parentèle des seigneurs liersois, l'un ou l'autre jeunes messires qui perdirent la vie pour s'être affrontés aux "Sarazins" en "Turkie" ou ailleurs "ultre meire".
[xlii] Tous ceux qui, par la suite, portèrent le nom de Villers sont issus de Wéry le Fort.
[xliii] Cette mascarade coûtera la vie à ce chevalier sur qui se portèrent les efforts des liégeois.
[xliv] Les reliques dont le culte est général au Moyen-Age s'identifient à la personne sacrée dont la présence ainsi matérialisée sur les lieux, témoigne de sa participation effective à l'action visant la défense de la cause prônée par ses partisans, en l'occurrence, la sauvegarde du "patrimoine de Saint-Lambert". S'il arrive qu'elles soient parfois utilisées comme "argument offensif" dans les conflits, c'est en procession qu'elles sont acheminées sur place, avec toutes les marques de respect et de dévotion qu'elles inspirent. Le but poursuivi s'apparente aussi à la promotion, dans les régions visitées, de l'idée qu'elles appartiennent à un même ensemble: la "patrie" liégeoise (cfr aussi, sur ce point: "Le Triomphe des Saints Mosans", in "Liège autour de l'an Mil", op. cit., p. 77).
[xlv] Dans les chroniques généalogiques de J. de Hemricourt, la gent masculine est privilégiée, les damoiselles ou dames, dont le prénom n'est que rarement cité, n'existent apparemment que par leur père ou leur mari (elles sont de monseigneur X la Xème fille, mariées à messire Y ou veuves du sire Z).
[xlvi] Dans le cadre de la lutte que les Bonnes Villes et les Métiers menaient contre l'absolutisme pour la sauvegarde de leurs libertés (difficultés suscitées par le prince-évêque qui voulait éviter certaines conséquences de la "Paix de Fexhe" ou d' autres mesures qui en découlèrent plus ou moins comme la création du "Tribunal des XII" habilité à sévir contre les abus des officiers du dit prince).
[xlvii] Renaud III, vassal du duc de Brabant mais aussi allié du prince-évêque contre les "communiers" de Liège (bourgeois, métiers, milices,...) continuait ses coups de main meurtriers malgré la trève conclue avec l'évêque après la bataille de Vottem. Au surplus, et comme l'exigeait le duc de Brabant pour freiner le commerce des Liégeois, il faisait percevoir un lourd péage sur tout bateau franchissant la frontière fluviale de son château d'Argenteau. En vue de mettre un terme à ces dommages mais incapables de déloger Renaud III de son nid d'aigle, les milices liégeoises trouvèrent plus expédient de s'en prendre au village de Hermalle qu'elles incendièrent après l'avoir pillé. La réaction du sire d'Argenteau ne se fit pas attendre. Avec des cavaliers venus de Dalhem et de Fauquemont (Valkenburg), il fit irruption dans Milmort, tout à fait à l'improviste, dans la nuit du 4 mai 1347. Les cris des malheureux milmortois, surpris dans leur sommeil, s'entendirent jusqu'aux villages voisins mais les secours ne purent arriver à temps. Voilà pour quelles raisons les Liégeois, ayant à leur tête leur mayeur Bertrand V de Liers, s'attaquèrent à l'imprenable forteresse de Renaud III, le 18 mai 1347. Les Liégeois, cependant équipés de machines de siège, ne purent s'introduire dans la place que grâce à l'intervention des houilleurs. Ceux-ci parvinrent à saper la haute muraille qui s'écroula. Mais la défense du château tint bon et ne se rendit que le 15 juillet. Bertrand V avait bien mérité son titre de chevalier.
[xlviii] cfr "Histoire de Liège" par le Père Bouille (op. cit.).
[xlix] A. de Rijckel.
[l] Cfr P. Baré: "Herstal sous la révolution liégeoise", p. 277.
[li] Sans doute, en ce XVIIe siècle, à titre de participation aux travaux d'agrandissement de l'église par l'adjonction de basses nefs dont les baies devaient être pourvues de vitraux.
[lii] Ainsi dénommée en raison des ornements liturgiques et sacerdotaux dorés. En particulier, à Liers, la chasuble réservée à cette célébration est décorée de motifs cousus au fil d'or qui brillaient de mille feux dans la lumière d'une grande profusion de cierges et de lampes. Une vraie féerie préfigurant Noël.